L’OEA : au secours de Martelly !
Par Thomas Péralte
L’article 136 de la Constitution haïtienne de 1987 fait du
président de la République le garant de la Constitution et
de la stabilité institutionnelle. Il assure également le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la
continuité de l’Etat. Après avoir été imposé à la tête du
pays le 14 mai 2011, monsieur Michel Joseph Martelly et son
équipe n’ont pas respecté la Constitution que le nouvel élu
avait prêté serment de respecter et de faire respecter pour
le bien être de la population.
Depuis 27 ans, la Constitution a instauré un régime
démocratique en Haïti, cela veut dire que le peuple choisit
périodiquement ses dirigeants au niveau central et local.
Depuis l’arrivée de monsieur Martelly au pouvoir le peuple
haïtien est privé de ce droit de voter. Le mandat des
membres des Collectivités territoriales est arrivé à terme
depuis la fin de l’année 2011 pourtant, rien n’a été fait
pour organiser les élections devant les renouveler. Il s’est
permis au grand dam de la Constitution de nommer des agents
de l’exécutif intérimaire à la tête des mairies du pays.
Depuis 2 ans, le mandat d’un tiers des sénateurs est arrivé
à terme ; alors que les élections n’ont pas été organisées.
Et, maintenant, le mandat d’un autre tiers du Sénat et de la
Chambre des députés arrivera à terme le deuxième lundi du
mois de janvier 2015 ; 4 mois avant cette échéance, aucune
disposition réelle n’a été prise pour la réalisation des
élections. Des manœuvres dilatoires ont été entreprises pour
essayer de tromper la vigilance du peuple
haïtien.
Entre-temps, 4 conseils électoraux se sont succédés, aucune
élection n’a été réalisée ; deux séances censément marquées
au coin du dialogue ont été entreprises sous les auspices de
l’Église. Lors de la dernière en date, on est arrivé à la
conclusion de l’accord-désaccord dit de El-Rancho, en dépit
de la protestation et de la dénonciation des partis
politiques les plus importants. Bien avant l’initiative du
dialogue soi-disant inter-haïtien apparemment prise par le
cardinal haïtien, Chibly Langlois, une loi électorale a été
élaborée par l’un des organismes électoraux. Quelques mois
plus tard cette loi a été remise en question. Le pouvoir
kaletèt Martelly-Lamothe veut, à tout prix et au mépris de
la Constitution et de la loi électorale, utiliser l’article
12 de cet accord pour la réalisation des
élections.
Face à cette situation, un groupe de 6 sénateurs et un
groupe de 6 partis politiques s’opposent à l’application de
l’article 12 dudit accord, ils exigent le respect de la
Constitution, notamment de l’article 289 pour la formation
du conseil électoral provisoire et de l’article 191-1 qui
stipule : « Il (le conseil électoral) élabore également le
projet de loi électorale qu’il soumet au pouvoir exécutif
pour les suites nécessaires » c’est-à-dire l’achemine au
pouvoir législatif pour qu’elle soit votée conformément aux
prescrits de la
Constitution.
Le refus systématique du régime anti-démocratique imposé à
Haïti par les puissances impérialiste (Les Etats-Unis, La
France et le Canada) facilite à nouveau l’ingérence
étrangère dans les affaires politiques internes de la
première République noire du monde. L’ingérence commence
toujours par une organisation régionale qu’on appelle
Organisation des Etats Américains (OEA). C’est dans cette
perspective que l’OEA, dans sa prise de position, encourage
les acteurs haïtiens, c’est-à-dire les pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire à s’entendre afin que les élections
soient définitivement réalisées à la fin de l’année
2014.Voici donc pour l’édification du grand public la
Déclaration adoptée par le Conseil permanent de l’OEA lors
de la séance tenue le 27 août 2014.
LE CONSEIL PERMANENT DE L’ORGANISATION
DES ÉTATS AMÉRICAINS,
PRENANT EN
COMPTE la déclaration CP/DEC. 53 (1965/14) du Conseil
permanent en date du 30 avril 2014 sur le processus
électoral en Haïti et le soutien continu de l’Organisation
des États Américains au dit processus par son appui
technique et ses missions d’observation
électorale,
AYANT À L’ESPRIT les efforts du Gouvernement
haïtien et la signature de l’accord d’El Rancho par les
trois pouvoirs de l’État, à savoir, l’exécutif, le
législatif et le judiciaire, et les représentants de la
société civile, ouvrant ainsi la voie à l’organisation
d’élections périodiques, libres, justes et
transparentes,
RECONNAISSANT que les parties se sont mises
d’accord sur les bases politiques et constitutionnelles pour
l’organisation de ces élections lors de la signature de
l’accord d'El Rancho le 19 mars
2014,
CONSIDÉRANT:
Qu’il importe que toutes les parties, à savoir, l’exécutif,
le judiciaire et le législatif, respectent pleinement leurs
engagements politiques ainsi que leurs obligations
juridiques et constitutionnelles visant à faciliter
l’organisation rapide des élections nécessaires pour le
renouvellement des mandats des autorités législatives et
municipales; Les progrès réalisés depuis
la signature de l’accord d’El Rancho en Haïti, en
particulier la mise en œuvre des engagements par l’exécutif
et le judiciaire, ainsi que l’établissement d’un Conseil
électoral qui est maintenant en place et œuvre à la tenue de
ces
élections,
NOTANT: Que le projet de loi électorale, outil essentiel à
l’organisation de ces élections, a été voté le 1er avril
2014 par la Chambre des députés d’Haïti et immédiatement
transmis au Sénat pour examen et
approbation; Notant par ailleurs qu’à ce jour, aucune mesure
n’a été prise par le Sénat à cet
égard,
DÉCLARE:
1. Son soutien continu au processus électoral et à la tenue
sans délai des élections qui auraient déjà dû avoir lieu.
2. Sa profonde préoccupation face au manque de progrès dans
le processus
électoral.
3. Qu’il invite instamment toutes les branches du
Gouvernement et toutes les parties prenantes à poursuivre le
dialogue pour remplir, de toute urgence, leurs obligations
conformément à la Constitution et à l’accord d’El Rancho
afin d’assurer la tenue d’élections en
2014.
4. Sa
solidarité avec les autorités et le peuple haïtien dans
leurs efforts pour le renforcement de l’État de droit par le
renouvellement des institutions démocratiques au moyen de la
tenue d’élections libres, justes et
transparentes.
5. Qu’il demeure saisi des événements survenant à cet égard.
Les colons-occupants ont parlé, leurs laquais locaux ont
répondu favorablement. C’est manifestement un appui moral
que l’OEA apporte au gouvernement kaletèt Martelly Lamothe,
en dépit des violations systématiques des droits humains,
des valeurs démocratiques et des prescrits de la loi
mère.
Le groupe des 6 sénateurs opposés à l’Exécutif appelle au
dialogue ou à la négociation pour essayer de trouver une
solution à la crise politique qui va, selon plus d’un,
au-delà d’une simple question électorale. Il y a d’autres
problèmes sociaux qui retiennent l’attention du groupe des 6
ou G6, tels : la rentrée des classes, la loi de finances,
les maladies endémiques, l’insécurité judiciaire ou
persécution politique, les prisonniers politiques,
l’insécurité alimentaire.
« Le
problème que confronte le pays est d’ordre politique qui
mérite une solution politique. Le Sénat ne peut pas à lui
seul apporter une solution au problème du pays. C’est pour
cela que nous réclamons le retour au dialogue pour résoudre
la crise politique », indique le sénateur Jean William Jeanty du groupe des 6. Suite à une échange de
correspondance entre le président du Sénat, Simon Dieuseul
Desras et celui du Palais national, une rencontre est prévue
pour ce lundi premier septembre 2014 ; mais à la dernière
minute, elle n’a pas pu avoir lieu. Les sénateurs de ce
groupe 6 refusent d’aller s’asseoir avec Martelly au Palais
national. Pour eux le dialogue devrait être entrepris avec
les 6 partis politiques de l’Opposition.
Quant aux représentants de la société civile minoritaire de
Rosny Desroches, Edouard Paultre et consorts, toujours sur
le devant de la scène lorsqu’on parle d’élection, ils
demandent aux acteurs politiques de mettre en application
les recommandations de l’OEA et encouragent l’Exécutif à
répondre à l’appel du groupe des 6 sénateurs. La société
civile majoritaire de son côté, composée des secteurs
populaires appelle à la mobilisation générale pour résoudre
la crise politique que vit le pays depuis l’arrivée de
monsieur Michel Joseph au timon des affaires, le 14 mai
2011. La solution à la crise politique doit passer
inévitablement par l’organisation générale d’élections
conduites avec l’appui d’un gouvernement provisoire.
La société civile
majoritaire rejette d’un revers de main la position de l’OEA
qui reflète la position de la communauté internationale
présente en Haïti depuis plus de 10 ans, suite au coup
d’Etat-kidnapping le 29 février 2004, contre un président
démocratiquement élu, le Dr. Jean Bertrand Aristide. La
position de l’OEA est qualifiée d’ingérence dans les
affaires politiques internes de la République. C’est
inadmissible pour une nation libre. Il faut toutefois
rappeler que la position de l’international à travers les
institutions régionales et mondiales, comme l’OEA, l’ONU,
l’UE pour résoudre la crise électorale a été sévèrement
critiquée par des responsables
politiques.
En 2010, l’ingérence maladroite de l’OEA dans les affaires
internes de la République d’Haïti a été dénoncée par le
représentant même de l’organisation hémisphérique, Ricardo Seitenfus, un professeur brésilien. Dans une interview
accordée à des journalistes étrangers autour d’un livre
titré : « Dilemmes et échecs internationaux en Haïti », le
professeur Ricardo a déclaré : « Le Conseil électoral
provisoire d’Haïti, chargé de superviser les élections, a
annoncé que l’ancienne première dame, Mirlande Manigat avait
gagné, mais n’avait pas la marge de victoire nécessaire pour
éviter un second tour. Une mission d’expert de l’OEA a été
dépêchée pour examiner les résultats. Même s’il n’était pas
déterminé qu’il devait progresser, en raison de
l’intervention de l’OEA, le candidat et musicien Pop, Michel
Sweet Micky Martelly a été sélectionné pour participer au
second tour à la place du candidat du parti au pouvoir, Jude
Célestin. ».
Depuis 2004, la communauté
internationale est présente en Haïti sous toutes les formes,
à travers la force d’occupation, la MINUSTAH, les
institutions financières (FMI, Banque Mondiale, BID, Union
Européenne), les Organisations Non Gouvernementales (ONG) ;
la situation politique, économique et sociale du peuple
haïtien s’aggrave constamment. Elle ne résout rien, au
contraire les fardeaux du peuple haïtien ont augmenté avec
l’introduction du choléra en Haïti qui a tué plus de 8 mille
Haïtiens. Les principes fondamentaux de la souveraineté, de
la démocratie et du droit à l’autodétermination d’un peuple
sont foulés au pied. Il revient au peuple haïtien de prendre
son destin en main. L’avenir de ce pays repose entre les
mains des Haïtiens responsables, nationalistes,
progressistes et non de celles de l’internationale et de ces
restavèk mentalement colonisés de la classe dirigeante
haïtienne. |