Brandt a été intercepté par des soldats dominicains !
Par Isabelle L. Papilon
Qualifié de scandale à nul autre pareil par certains et pour
d’autres, ce qui s’est passé à la prison civile la plus
moderne du pays, fut une opération mûrement réfléchie qui
visait la libération du chef de gang de kidnappeurs,
Clifford Brandt et d’autres trafiquants de drogue
particulièrement des colombiens qui étaient emprisonnés. On
dit souvent en Haïti. « Pami diri ti wòch goute grès » C’est
dans ce sens que plus de 350 prisonniers étaient parvenus à
s’échapper de leur geôle puis à s’évader dans la nature. 48
heures plus tard Brandt et 3 autres prisonniers ont été
interceptés sur le territoire voisin à proximité de la
frontière haïtiano-dominicaine, le mardi 12 Août. Suite à
l’action des soldats dominicains, les responsables de la
Police Nationale d’Haïti en d’autres termes, le Premier
ministre, Laurent Lamothe, le ministre de la Justice, Jean
Renel Sanon et le directeur général de la PNH ont convoqué
les médias pour informer le public d’une prétendue victoire
remportée.
Dans la mise en scène des autorités kaletèt dans
la libération de Brandt, il faut remonter au 17e
siècle avec Pierre Corneille, le dramaturge français, qui
disait dans le Cid : « À
vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » C’est le cas
du ministre de la Justice, Jean Renel Sanon, qui s’était
montré très fier de la capture de Clifford Brandt par des
soldats dominicains. Il disait. « Ipokrit yo sezi, se te
vèvenn yo pral bwè. » Le Premier ministre, Laurent Lamothe
de son côté a félicité la police nationale pour ce coup de
filet. Après avoir promis la remise d’un million de gourdes
aux policiers [haïtiens] qui auraient supposément capturé le
kidnappeur «évadé», la partie dominicaine a promptement
remis les pendules à l’heure en disant, avec photos à
l’appui, que c’était elle qui avait mis le grappin sur
Brandt. Le président Martelly quant à lui a bêtement
banalisé ce scandale commis au grand jour. Pour lui, ça
arrive dans tous les pays du monde, Haïti ne fait pas
exception.
Les hauts gradés de l’Armée dominicaine n’ont
pas perdu de temps pour honorer les militaires qui ont
intercepté le chef de gang, Clifford Brandt. Le commandant
en chef de l'armée de la République dominicaine, le
major-général Rubén D. Paulino a officiellement honoré les
trois officiers dominicains qui ont participé à la capture
de Clifford Brandt, suite à son «évasion» de la prison de la
Croix-des-bouquets, le dimanche 10 aout, selon les médias
dominicains. Le premier lieutenant Manuel A. Benitez Montero,
le sergent-major Cornelio Santana Ferreras et le sergent
Pedro A. Encarnación Carrasco, ont été décorés par le chef
de l’Armée lors d’une cérémonie à laquelle ont participé
d’autres Officiers supérieurs. Les 3 militaires ont reçu un
diplôme d’honneur pour le travail réalisé dans la capture
des évadés haïtiens. Depuis l’évasion dimanche dernier des
350 détenus de la prison de la Croix-des-Bouquets, les
autorités dominicaines ont affirmé en avoir capturé 11 sur
leur territoire. La capture de Clifford Brandt fait l’objet
d’une polémique en Haïti sur le rôle joué par la police
haïtienne au cours de l’opération revendiquée officiellement
par les Dominicains. Clifford Brandt est actuellement
incarcéré au pénitencier national.
Le chef de gang de kidnappeurs, Clifford Brandt
est écroué au pénitencier national, après sa capture mardi
12 aout dans une localité frontalière du côté dominicain par
l'Armée dominicaine. Des mesures ont été prises afin de
renforcer les mesures de sécurité au niveau du pénitencier
national et de la prison de la Croix-des- bouquets. Ces
dispositions concernent entre autres, l’augmentation du
nombre de policiers au niveau de ces deux prisons, informe
le porte-parole, Gary Desrosiers.
La grande question qu’on se pose, c’est qui sont
les auteurs intellectuels de cette opération mûrement
planifiée qui a conduit à la libération spectaculaire de ce
puissant chef de gang et d’autres puissants trafiquants de
drogue ? Il faut toutefois rappeler que le 17 février de
l’année en cours, il y a eu une tentative de libération de
ce genre à la prison civile de la Croix-des-Bouquets. Brandt
bénéficiaire de centaines de millions de dollars accumulés
dans l’industrie de kidnapping était un prisonnier
privilégié. Il faisait du commerce de téléphones, de cartes
SIM voire même de drogue en complicité avec des agents de
l’Administration Pénitentiaire Nationale (APENA) à qui, il a
donné plus de 40 motocyclettes, selon Marie Yolène Gilles du
RNDDH. Il recevait la visite d’autres membres de son gang
recherchés par la Police. Ce chef de gang était le
conseiller de monsieur Martelly au Palais national. Le chef
de sécurité Marc-Arthur Phébé était également l’un des chefs
de gang de Clifford Brandt. Il faut rappeler également que
monsieur Martelly avait déclaré juste avant l’arrestation de
Clifford Brandt, membre influent du secteur privé, que
certaines de ses réalisations sont financées par le secteur
privé non pas par l’argent de l’Etat. Entende qui voudra.
Quand Martelly parlait de secteur privé, il
faisait référence au secteur privé investi dans le
kidnapping, dans la drogue, la contrebande et le secteur
maffieux comme celui dirigé par Laurent Lamothe. La famille
Brandt qui fait partie des nantis d’Haïti n’a pas bonne
presse : en 2007, Fritz Brandt et ses deux fils, David et
Clifford étaient inculpés dans une affaire louche de
dédouanement irrégulier d’un véhicule. Le juge d’instruction
d’alors avait produit une ordonnance de renvoi dans un délai
ne dépassant pas 3 mois mais le jugement n’a jamais eu lieu.
L’affaire reste pendante par devant la justice. Une très
importante caution avait été versée à la DGI en échange de
leur libération.
Quelques jours après l’arrestation de Clifford
Brandt dans un magasin de vente de voiture à Port-au-Prince
en octobre 2012, le Premier ministre, Laurent Lamothe et
l’ambassadeur du Canada en Haïti, Henry Paul Normandin ont
procédé à l’inauguration le 28 octobre 2012 de la prison
flambant neuf de la Croix-des-Bouquets qui coûtait 5.7
millions de dollars. Le chef de gang de kidnappeurs,
Clifford Brandt fut l’un des premiers bénéficiaires, suivi
d’un autre chef de gang de kidnappeurs, Woodly Ethéart alias
Sonson La Familia. Construite pour une capacité de 760
prisonniers, dans un environnement bondé d’activités
commerciales, la prison de la Croix-des-Bouquets compte plus
de 900 détenus et condamnés. Elle a été construite
spécialement pour les condamnés.
Par surcroît, le secteur informel de la
Croix-des-Bouquets figure sur la liste des victimes. Les
agents intérimaires de la Croix-des-Bouquets avaient en
effet accordé un délai jusqu’à lundi 18 Août 2014 pour que
les petits commerçants vident les lieux aux alentours de ce
centre carcéral. Ce sont les commerçants qui font les frais
de la libération spectaculaire d’un chef de gang et de
l’irresponsabilité des prétendus dirigeants de ce pays. « Otorite
yo fin kraze prizon an yo mete Brandt ak yon pakèt lòt
prizonye deyò ak zam nan men, kounye a se nou menm ti
machann k ap peye po kase a. Yo voye ajan lameri, lapolis
apena vin bat nou la a. Se pa nou menm ti machann ki te fè
Brandt sòti nan prizon an, se moun ki nan pouvwa a ki fin
fè zak yo, kounye a se nou menm y ap pésekite. Se nou menm
ki manman, ki papa, se nou menm k ap bay manje, se nou menm
k ap peye lekòl, peye kay.
Se lajan ponya ak lajan bank ki nan men nou, lè yo mete nou
deyò la a, ki kote nou prale?”
Voilà donc la déclaration de certains petits commerçants au
micro des journalistes.
Certains observateurs ont sévèrement critiqué
les soi-disant autorités placées au plus haut niveau de
l’Etat d’Haïti. Ces autorités supportent et protègent
ouvertement les dealers de drogue, les criminels notoires,
les chefs de gangs de kidnappeurs, les réseaux de bandits.
Après l’arrestation d’un dealer de drogue, dans le Sud du
pays à la fin de l’année 2013, Evinx Daniel, Michel Joseph
Martelly a séjourné chez lui en signe de solidarité et
quelques semaines plus tard, il était porté disparu. Le
conseiller politique de Martelly, Calixte Valentin a mis fin
à la vie d’un commerçant à la frontière, Octanol Derissaint,
il a été libéré sans être jugé. Ronald Nelson alias Roro
Nelson proche de Martelly, s’est placé au-dessus de la
justice puisqu’il a refusé catégoriquement de répondre par
devant la justice pour des actes criminels dont il est
accusé. Le ministre de la justice Jean Renel Sanon s’est
présenté en personne à la prison de Pétion-ville pour
libérer l’épouse de Sonson La Familia, accusée d’association
de malfaiteurs, blanchiment des avoirs et de trafic de
drogue. C’est pour la première fois qu’il y a eu un ministre
de la justice répondant au nom de Jean Renel Sanon, autant
décrié par plus d’un et scandalisé par l’opinion publique.
Signalons qu’une semaine après la capture de Brandt, la
liste complète des 329 évadés n’a jusque-là pas été
communiquée par la police haïtienne. Rappelons que jusqu’à
présent, 19 évadés auraient été repris et plus d'une
centaine de suspects ont été appréhendés et sont interrogés
par la Police Nationale, qui cherche à identifier parmi les
suspects, les évadés du pénitencier de la
Croix-des-Bouquets. Il semblerait qu’au point de vue
administratif, la prison ne possédait ni les photos ni les
noms des évadés. S’ils ne publient pas la liste comment
vont-ils récupérer les fugitifs ? Dans cette affaire, il y a
trop de zones d’ombre, le gouvernement de Martelly-Lamothe a
le dos au mur. |