Ouvrons bien l’oeil : il est dit dans l’arrêté
présidentiel nommant Evans Paul, Premier Ministre, que ce
choix est fait sur la base de consensus avec les présidents
des deux Chambres. Quelques heures plus tard, le président
du Sénat Dieuseul Simon Desras montait au créneau pour
dénoncer ce qui avait été dit. Il faut être clair pour tout
le monde, l’avenir du Parlement doit être défini avant toute
autre chose, par exemple le vote des amendements de la loi
électorale de 2013 et l’éventuelle ratification d’un Premier
ministre, selon Dieuseul Simon Desras. Au Sénat, le groupe
des 6 a déjà dit ne pas reconnaitre ce choix. « Aucun des
sénateurs de ce groupe n’est prêt à ratifier Evans Paul
comme Premier ministre, » affirme le sénateur Pierre Francky
Exius. Son collègue du Sud, Carlos Lebon, pourtant réputé
proche du pouvoir, a réagi dans le même sens, en invoquant
le manque d’éthique du côté d’Evans Paul, puisqu’il faisait
partie de la commission qui a abouti à la démission de
Laurent Lamothe.
La désignation d’Evans Paul soulève même le
mécontentement des dirigeants politiques engagés dans les
pourparlers avec Martelly. On peut citer entre autres :
INITE, FUSION, Kontrapèp et Ayisyen pou Ayiti représentés
respectivement par Paul Denis et Sorel Jacinthe ; Rosemond
Pradel et Alix Richard ; Jean William Jeanty et Jonas Coffy.
Les groupes d'opposition qui ont refusé les négociations
avec Martelly, MOPOD, Forces patriotiques pour le respect de
la Constitution (FOPARC), la Coordination Dessalines ( KOD)
et la Plateforme Pitit Desalin (PPD) - rejettent également
la nomination d’Evans Paul et appellent à la poursuite de la
mobilisation anti-Martelly, à la « Mobilisation non-stop,
jusqu'à ce que Martelly démissionne ».
Le parti Fanmi Lavalas (FL) pour sa part, qui s’était
réuni séparément avec Martelly il y a deux semaines, n'a pas
encore annoncé sa position à propos de la nomination de
Evans Paul et n’a pas également clarifié sa position sur la
démission de Martelly que réclament les manifestants. Il y a
quelques mois, le leader de FL Dr Maryse Narcisse avait
déclaré que le Premier ministre Laurent Lamothe seulement
devrait démissionner, mais pas le président Martelly.
Cependant des milliers de militants et sympathisants de ce
parti sous la direction du Monop d’André Fardot appellent
toujours à la démission de Martelly, lors de manifestations
presque quotidiennes ; jusque là, le Comité exécutif de FL
n'a toujours pas officiellement changé sa position.
Or, voici que la rue parle également d’Evans Paul, se
souvenant de lui quand il fut maire de Port-au-Prince. Lors
de son départ de la mairie, il a tout emporté, tout a été
volé, pillé. Le passage de ses représentants à l’ONA sous le
régime de facto Alexandre-Latortue et au ministère du
commerce sous le gouvernement de René Préval a été l’objet
de toutes sortes de scandales. Evans Paul était présent aux
Gonaïves, à côté des bourreaux du peuple, l’ex-dictateur et
feu Jean Claude Duvalier, le général Prosper Avril et Michel
Martelly, au moment de la commémoration du 210e
anniversaire de l’Indépendance d’Haïti. Alors qu’il faisait
partie de ceux qui avaient lancé le boycott de la
commémoration du bicentenaire de l’Indépendance d’Haïti le
premier janvier 2004.
Selon le site « Haiti Libre » qui a cité le Dr Enold
Joseph, le Secrétaire Général de la « Konvansyon Inite
Demokratik » (KID). « Evans Paul, a déjà établi son Quartier
Général à la résidence du Premier Ministre sur la route de
Bourdon, et travaillerait sur la formation du nouveau
cabinet ministériel. Il pourrait s’installer au plus tard
mardi 30 décembre 2014 à la Primature ».
Par ailleurs, toujours selon « Haiti Libre », les députés
pourraient être convoqués à l’extraordinaire le lundi 29
décembre 2014, afin de procéder à la vérification des
documents d’Evans Paul, tel que requis à l’article 157 de la
Constitution.
Pourtant l’ancien GNBiste se considère déjà comme Premier
ministre. C’est ainsi que vendredi dernier, un jour après sa
nomination, il a commencé à discourir en déclarant dans le
cadre d’une cérémonie officielle honorant des jeunes : « Je
ne suis pas nommé Premier Ministre pour faire la guerre à
quiconque. Mais pour travailler au bien-être de tous les
Haïtiens ».
Dimanche dernier au cours d’une tournée dans le
département du Centre, il a déclaré à Cerca Carvajal: « Je
ne suis pas du pouvoir. Je n'avais pas fait équipe avec
Martelly. Je n'avais pas fait campagne pour lui. Je ne suis
pas également de l'opposition. En tant que Premier Ministre,
je suis un serviteur venu pour servir la société et faire
avancer les choses car le pays est en crise. »
Donc, la désignation d’Evans Paul comme Premier Ministre
est la récompense des colons non seulement pour services
rendus, mais représente également le produit d’une
soi-disant réconciliation avec les bourreaux du peuple. Paul
a laissé entendre que « Le 12 janvier il n'y aura pas de
tsunami politique, il y aura une entente entre les haïtiens. »
Evans Paul est véritablement un authentique ennemi du
peuple, un parfait caméléon équilibriste, un comploteur
contre les intérêts du peuple. Dans ce cas, les cris du
peuple doivent être : A bas la dictature ! vive la
démocratie. A bas l’occupation ! vive la liberté. A bas
pouvoir aide !, vive pouvoir service ! A bas les ennemis du
peuple ! vive la mobilisation ! A bas la réconciliation avec
les bourreaux !. Vive la Justice !. A bas tous ceux qui
piétinent la dignité du peuple ! vive le respect du peuple !
On savait que les forces occupantes au service des pays
impérialistes dominant Haiti, n’allaient pas rester
inactives. Ainsi, elles viennent de concocter ce lundi 29
décembre un quelconque accord tripartite pour essayer une
fois de plus de sauvegarder leur atout Michel Martelly au
pouvoir. Ils ont dicté à leurs laquais de signer ce pacte
dit «tripartite». Ainsi Michel Martelly pour l’Exécutif,
Dieuseul Simon Desras le récalcitrant pour la galerie, homme
de paille sans aucune conviction et Stevenson Jacques
Timoléon pour le Parlement, ainsi que Anel Alexis Joseph du
Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, se sont mis
d'accord pour prolonger le mandat des parlementaires.
Au point 5 de cet accord, il est prévu que les députés
resteront en poste jusqu'au 24 avril 2015 et les sénateurs
au 9 septembre 2015. Toujours dans ce document, l'exécutif
prend l'engagement de former un Conseil électoral inspiré de
l'esprit de l'article 289 de la constitution. Une fois mise
en place, en janvier prochain, cette nouvelle structure
électorale aura 120 jours pour organiser les prochaines
élections.
L'accord prévoit également la convocation à
l'extraordinaire de la chambre des députés. Ces derniers
vont devoir travailler entre autres sur le vote des
amendements à la loi électorale, la ratification de la
politique générale du premier ministre nommé Evans Paul et
de son gouvernement, le vote de certaines lois dont celle
sur le fonds national de l'éducation ; tout cela avant le 12
janvier. Brrrr !
Face à ce «pacte tripartite», les forces populaires
doivent donner une réplique appropriée, montrer aux ennemis
des masses que rien ne pourra arrêter un peuple en
mouvement.