Manifestation en faveur de la libération des prisonniers politiques
Par Thomas Péralte
L’emprisonnement arbitraire et l’arrestation illégale d’une
cinquantaine de personnes revendiquant pacifiquement le
départ de monsieur Michel Martelly, imposé lors des
élections truquées de 2010, par la communauté internationale
à la tête de la première République noire du monde, ont
soulevé la colère de la population haïtienne. On reproche à
Martelly sa volonté manifeste de retour à la dictature, sa
soumission totale aux diktats des grandes puissances
impérialistes le contraignant à maintenir le pays sous des
forces d’occupation étrangères. Noyé dans la velléité de
procéder au changement du régime démocratique par une
réforme constitutionnelle, le refus systématique de ne pas
organiser des élections libres et démocratiques et le
démantèlement des institutions démocratiques et
républicaines d’où la répression et la persécution
politiques à longueur de journée prouvant que le régime des
bandits légaux veut à tout prix conduire le pays à un retour
au passé dictatorial.
Pour stopper cette vague de répressions politiques du régime
néo-duvaliériste d’extrême droite, des centaines de
personnes sont descendues dans les rues, le jeudi 30 octobre
dernier une fois de plus pour exiger le départ de monsieur
Martelly, la libération des prisonniers politiques, qui
croupissent dans les prisons un peu partout à travers le
pays : Aux Cayes, Petit-Goâve, Jacmel, Cap-Haïtien et
Port-au-Prince. Le rendez-vous était fixé devant l’église
Saint-Jean Bosco pour se rendre à Carrefour, banlieue Sud de
la capitale, à la prison dans laquelle se trouvent
incarcérés les deux derniers prisonniers politiques, arrêtés
illégalement le dimanche 26 octobre écoulé à savoir : Biron
Odigé et Rony Timothée. Le même jour des informations
circulaient à travers les rues faisant croire qu’ils avaient
été transférés dans d’autres Centre carcéraux qui se
trouvent au Nord de la capitale. Biron Odigé a été transféré
à la prison civile de la Croix-des-Bouquets et Rony Timothée
à l’Arcahaie. Tout ceci, pour essayer de détourner
l’attention des manifestants déterminés à apporter leur
solidarité aux camarades incarcérés. Motivés on ne peut
plus, ils ont pris la direction de Carrefour en chantant :
grenadye alaso sa ki mouri n ap vanje yo ! Nou pa vle peyi a
dirije pa dekrè ! Respè pou konstitisyon 1987 la. Kafou nou
prale… »
Arrivés à Matissant, ils ont essuyé des jets de pierres
venant des bandits légaux à bracelets roses. La police qui
accompagne les manifestants est intervenue pour rétablir
l’ordre. Les manifestants ont poursuivi pacifiquement leur
parcours, alors qu’un petit groupe qui se réclame de
tèt kale
les attendait dans les parages de la prison de Carrefour.
Une fois de plus, la police est intervenue pour éviter tout
éventuel affrontement qui aurait été désastreux pour le
petit groupe de bandits légaux. Heureusement, la
manifestation s’est terminée sans trop d’incidents graves.
Des voix s’élèvent pour réclamer la libération immédiate des
prisonniers politiques. C’est dans cet d’ordre d’idées que
l’Organisation politique Fanmi Lavalas, à l’occasion de son
18e anniversaire ce lundi 3 novembre, a organisé
une journée de solidarité avec tous les prisonniers
politiques du pouvoir tètkale à la Fondation Dr. Aristide
pour la Démocratie. En cette occasion, il y avait des
médecins pour consulter des patients et des avocats pour
entendre les dossiers des prisonniers politiques.
Pour la secrétaire générale du Rassemblement des Démocrates
Nationaux et Progressistes (RDNP), de tendance
démocrate-Chrétien, Mme Mirlande Manigat, l’arrestation de
Rony Timothée et de Biron Odigé démontre à quel niveau la
justice haïtienne a été vassalisée et l’Etat de droit foulé
aux pieds. «
La justice haïtienne est malade. Le pays est malade.
L’arrestation de Rony Timothée et de Biron Odigé, deux
militants politiques de l’Opposition très connus, illustre
davantage le fonctionnement à minima de notre justice. Le
traitement que ces militants reçoivent est inacceptable »,
a déclaré Mme Mirlande Hyppolite Manigat. Abordant
parallèlement la question d’actualité relative au 2e lundi
du mois de janvier 2015, Mme Manigat a fait savoir avec
évidence, que le Parlement ne sera pas caduc, mais
dysfonctionnel. « C’est le seul règlement politique qui
puisse empêcher le pays de sombrer », a soutenu la
secrétaire générale du Rassemblement des démocrates
nationaux progressistes (RDNP).
L’ancienne Première dame se dit par ailleurs étonnée
d’entendre le gouvernement prendre tardivement un communiqué
pour annuler l’arrêté présidentiel convoquant le peuple en
ses comices. « Dans quel pays du monde où la loi
s’applique, peut-on entendre un communiqué annuler un arrêté
? », s’est-elle interrogée, précisant en passant qu’un
arrêté n'est annulé que par un arrêté. « L’a-t-on oublié
cet arrêté ? Je crois qu’il y a de l’incompétence. Pire, ce
gouvernement se moque de nous et nous passe incessamment en
dérision », a avancé l’ancienne sénatrice de la
République (1988), avant de souligner que toutes ces dérives
nécessitent un vaste mouvement populaire visant à remettre
le pays sur les rails. « Nous autres de l’opposition,
nous disons qu’il n’est pas normal. Nous n’accepterons
jamais cette forme de gouvernance », a-t-elle conclu.
La conférence des pasteurs Haïtiens (COPAH), dans une note
de presse signée par le révérend, Ernst Pierre Vincent,
s’est dit alarmée quand on constate que la perspective du
pouvoir en place n’est autre que l’instauration en douceur
de la dictature en Haïti. « La Conférence des Pasteurs
Haïtiens (COPAH), alarmée par la résurgence des actes de
répression contre des membres de l’Opposition et des
organisations populaires hostiles au régime en place,
demande au pouvoir Martelly de respecter les règles du jeu
démocratique et réclame l’organisation d’élections crédibles
et démocratiques pour renouveler le personnel politique du
pays. S’il méprise les institutions républicaines et
démocratiques, il devra tirer les conséquences de son
incapacité à diriger le pays. Le climat tendu constaté dans
le pays et caractérisé par des manifestations à répétition
n’est autre que l’expression d’un vide politique créé par la
non tenue de plusieurs scrutins à échéances diverses prévus
par la Constitution de 1987. Le fait pour le pouvoir en
place d’avoir organisé jusqu’ici six (6) carnavals en trois
ans et d’autres ambiances festives à répétition et zéro
élection, prouve encore une fois que le pays meurtri par
tant de commotions sociales et politiques n’est pas dirigé.
Le bon fonctionnement des institutions démocratiques et
républicaines n’a jamais fait partie des priorités des
autorités en place. » De son côté, Tèt Kole Ti Peyizan
Ayisyen (TK) dénonce dans une déclaration sa position sur la
crise politique qui ronge le tissu social haïtien depuis
l’arrivée de monsieur Martelly à la tête du pays. Selon la
direction nationale de cette organisation paysanne, le
gouvernement Martelly-Lamothe continue sans cesse de créer
des crises, d’ordonner l’arrestation sans mandat. Elle
constate également que la justice, la Police Nationale
d’Haïti et la majorité de parlementaires (PSP) constituent
les bras droits de l’Exécutif pour faciliter la mise en
place du projet dictatorial. L’occupant du Palais National
déclare que le 12 janvier 2015, le pays retournera sur les
rails démocratiques. Cela démontre qu’il est tellement fier
et satisfait, qu’il manifeste sa joie réelle de n’avoir pas
organisé des élections dans le pays depuis plus de 3 ans. Il
ne veut que diriger le pays par décret afin de réaliser son
projet qui n’est autre que la recolonisation et l’occupation
du pays, enlever les paysans de leur terre et donner
beaucoup plus de possibilité aux multinationales de piller
les ressources naturelles du pays. Elle demande au
gouvernement tèt kale Martelly-Lamothe de libérer tous les
prisonniers politiques, suspendre toutes les arrestations
illégales et de freiner la machine de répression qui court à
toute vitesse contre la population. Elle encourage la mise
en place d’un Conseil Electoral Provisoire crédible, inspiré
par l’article 289 de la Constitution haïtienne de 1987 pour
organiser des élections démocratiques et transparentes.
Cette manifestation s’est déroulée à la capitale haïtienne
au moment même d’une visite de la délégation étasunienne
conduite par Thomas Shannon. La délégation a effectué des
rencontres avec les sénateurs de la République, le
gouvernement Lamothe et des chefs de partis politiques. Dans
une interview accordée à la TV5-Monde, en France, monsieur
Martelly considère la visite de cette délégation comme une
forme d’aide à son pays ; alors que les journalistes
eux-mêmes la considèrent comme une forme d’ingérence, une
délégation venue décider à sa place.
Monsieur Martelly nie qu’il y ait des prisonniers politiques
en Haïti devant la presse internationale. « Je ne suis pas
au courant qu’il y ait des prisonniers politiques. » Mais il
sait qu’il y a des manifestations contre lui en Haiti. « Je
suis au courant qu’il y a des manifestations, ou il y a des
gens qui protestent, qui manifestent. »
Dans une perspective géopolitique, où les faits sont
inévitablement liés, et vu que les Haïtiens prennent leur
origine du continent africain, Haïti ne devrait-elle pas
suivre la voie du Burkina Faso de Thomas Sankara ?
|