Quatre ans après l'émergence
d’une épidémie de choléra, le Secrétaire général
de l'ONU visite Haïti
Le secrétaire général des
Nations Unies Ban Ki-moon a visité Haïti du 14
au 15 juillet dans un effort de ressusciter un
plan de l'ONU de $ 2,2 milliards pour éliminer
le choléra en Haïti au cours de la prochaine
décennie, et qui était au point mort.
Lancée en Décembre 2012, «l'initiative» de l'ONU
n’était vraiment rien de plus que le
reconditionnement de l '«Initiative pour
l'élimination du choléra dans l'île d'Hispaniola»
lancée par les gouvernements haïtiens et
dominicains en Janvier 2012, comme Jonathon Katz
et Tom Murphy l’ont expliqué dans
un cinglant article paru dans la
revue "Foreign Policy".
Depuis que l'ONU a rebaptisé le plan, elle n’a
même pas été capable pendant plus de 18 mois de
rassembler les $ 400 millions nécessaires au
financement du projet pendant ses deux premières
années. Pendant ce temps, l'ONU a dépensé
quelque $ 609 millions pour déployer environ
7000 soldats de l'ONU en Haïti au cours de
l'exercice 2013/2014 dans le cadre de la Mission
des Nations Unies pour stabiliser Haïti
(MINUSTAH), vieille de 10 ans, complètement
méprisée et contre laquelle on proteste presque
chaque semaine.
En fait, ce sont les soldats de la MINUSTAH
venant du Népal qui ont amené le choléra en
Haïti après avoir permis aux eaux usées de leurs
toilettes de s'écouler dans les eaux en amont du
plus grand fleuve d'Haïti, en Octobre 2010, une
réalité à propos de laquelle au moins
dix études scientifiques, y comprise
celle commanditée par l'ONU elle-même, sont
d'accord.
Toutefois, l'ONU a refusé d'accepter la
responsabilité juridique d’avoir provoqué ce qui
est maintenant la pire épidémie de choléra dans
le monde, qui a tué plus de 8.500 personnes et
rendu malades plus de 704 000 Haïtiens. Trois
procès ont été intentés devant les tribunaux de
New York, exigeant des réparations et des
excuses de l'ONU pour avoir fait preuve de
négligence en Haïti. L'ONU a affirmé qu'elle
bénéficie de l'immunité, et les responsables de
l'ONU n’ont fait que se cacher, fuyant les
agents des tribunaux et essayant de ne leur
offrir que de la paperasse, quoiqu’un
agent ait rattrapé Ban Ki-moon à l'Asia
Society à la fin de juin.
En Haïti, Ban Ki-moon, et son épouse, rejoints
par le Premier ministre Laurent Lamothe, se sont
prêtés à d’interminables séances où ils se sont
fait photographier, de façon à détourner les
critiques, pour enfin dire que l'ONU a un
«devoir moral» d’aider à arrêter la propagation
du choléra en Haïti.
« En ce qui me concerne, il s'agit
d'un pèlerinage nécessaire», a déclaré Ban
aux villageois dans une église du Plateau
central d'Haïti, près de l’endroit où l'épidémie
a commencé. « Ma femme et moi sommes venus
ici pour pleurer avec vous. Comme père et
grand-père, et en tant que mère et grand-mère,
nous nous sentons énormément angoissés en
pensant à la douleur que vous avez eu à endurer
».
Avec Lamothe, Ban a également aidé à lancer la «Campagne
Nationale d'Assainissement Total» entreprise
par le gouvernement haïtien, un plan de cinq
ans, déjà financé à hauteur de 14 millions de
dollars en provenance du Canada et du Japon, et
qui vise à améliorer les conditions sanitaires
pour 3,8 millions d'Haïtiens dans 20 communes
rurales affectées par le choléra.
L'Institut pour la Justice et la Démocratie en
Haïti (IJDH), basé à Boston, et le Bureau des
avocats internationaux (BAI), basé à
Port-au-Prince, ont été les premiers avocats
à intenter une action en justice
devant les tribunaux de New York au nom des
5.000 victimes en Octobre 2013. L'action en
justice est venue après que l'ONU ait invoqué
l'immunité, ce après que les mêmes avocats ont
tenté
d'obtenir réparation par le propre
système de règlement des griefs de l'ONU en
Novembre 2011.
Le 7 juillet, le ministère de la Justice des
États-Unis a écrit au juge J. Paul Oetken de
l’audience à New York pour lui dire que « les
États-Unis ont toujours affirmé l'immunité
absolue de l'ONU pour les procès intentés contre
elle devant les tribunaux américains » et «
exhorte la Cour à rejeter cette action ».
Les
avocats de IJDH / BAI essaient d'avoir l’affaire
plaidée sur une base de recours collectif.
«
La visite du Secrétaire général Ban montre
pourquoi Haïti a besoin de justice, non pas de
charité », a déclaré l’avocat de l’IJDH,
Brian Concannon, Jr. à Haïti Liberté. «
Son discours de “devoir moral” et de nouveaux
programmes au cours de cette visite ne fait
simplement qu’ajouter à ses autres gestes creux,
comme le lancement en 2012 de l'Initiative pour
rendre Hispaniola libre de choléra et qui n'a
commencé qu’environ deux ans plus tard. Les
Haïtiens meurent de l'épidémie de choléra, l'ONU
a la responsabilité juridique d'arrêter ce
massacre, puisqu’elle a les moyens de le faire.
Il est temps pour nous tous de rejoindre les
militants de base haïtiens et de nous assurer
que l'ONU obéit à la loi ».
M. Ban a également rencontré le président Michel
Martelly ainsi que les présidents de la Chambre
des Députés et du Sénat d'Haïti pour discuter de
l'impasse politique autour du conseil électoral
inconstitutionnel d'Haïti, que Martelly cherche
à imposer unilatéralement.
Le 15 juillet, environ 50 manifestants se sont
rassemblés devant un stade en cours de
construction sur la Route Neuf près de Cité
Soleil, où Ban, Martelly et Lamothe étaient en
tournée. Les manifestants ont chanté et
brandissaient des pancartes qui disaient: «
MINUSTAH = choléra », « Ban Ki-Moon Go
Home », et « A bas l'occupation d'Haïti
par les Nations Unies ».
« Nous sommes indignés que Ban Ki-Moon vienne
ici pour dire hypocritement qu'il se soucie de
notre sort alors que dans le même temps, il
refuse de prendre la responsabilité d’avoir
provoqué le choléra en Haïti », a déclaré
Oxygène David du parti Coordination Dessalines(KOD),
dont les militants formaient plus de la moitié
des manifestants à Route Neuf. « Nous
exigeons que les troupes de l'ONU quittent
Haïti, et Ban est sourd. Nous demandons des
réparations pour le choléra, et Ban est sourd.
Sur la base des massacres perpétrés par leurs
soldats et leur introduction du choléra en
Haïti, l'ONU est responsable de milliers et de
milliers de morts en Haïti. Alors n'essayez pas
de nous dire que vous êtes la solution aux
problèmes que vous avez créés ».
Après Haïti, Ban Ki-moon se rend en
République dominicaine, où il s'entretiendra
avec le président Danilo Medina.
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