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Edition Electronique

Vol. 8, No. 28
Du  Jan  21  au  Jan 27. 2015

Electronic Edition

Kòrdinasyon Desalin: Conférence de presse

 

 Vol. 7 • No. 9 • Du 11 au 17 Septembre 2013

   

Martelly reconstitue-t-il l’Armée ou un corps paramilitaire ?

par Francklyn B. Geffrard
 

...Le président Martelly semble déterminé à reconstituer les Forces Armées d’Haïti. Après plusieurs tentatives infructueuses, Michel Martelly parvient à constituer, dans le plus grand secret, une unité militaire composée de quarante et un (41) jeunes haïtiens. En effet, après une courte période de 10 mois de formation à l’École Supérieure Militaire Eloy Alfaro (Quito, Equateur), les 41 nouveaux  « officiers-ingénieurs et soldats-techniciens haïtiens » sont de retour au pays. Selon le président Martelly qui les a reçus le 4 Septembre dernier lors d’une cérémonie officielle au Palais National, ils seront déployés à la Petite-Rivière, dans le Département de l’Artibonite.

Dans son discours de circonstances, Michel Martelly a clairement laissé comprendre que sa démarche participait de la résurrection des ex-Forces Armées d’Haïti. Sauf que, jusqu’ici le groupe de départ du nouveau corps ne contient que de nouvelles têtes, des jeunes frais émoulus. « En vous accueillant aujourd'hui comme officiers-ingénieurs et soldats-techniciens, il me vient le sentiment exaltant de ressusciter le Corps du génie militaire haïtien, de poser la première pierre d'un panthéon où la jeunesse haïtienne viendra périodiquement se ressourcer et puiser des leçons de discipline et de dévouement, le culte du civisme et du sacrifice au service de la patrie immortelle », a dit M. Martelly.

Cependant, la présentation au public de ce groupe de « militaires » formé en Equateur a surpris tout le monde et ceci pour plusieurs raisons. D’abord, aucun autre secteur vital du pays n’a été informé ou mis au courant de la reconstitution ou de la remobilisation de l’armée. Personne ne sait non plus quand et comment les membres de la petite armée du régime ont été recrutés. Le pays n’est même pas au courant des critères de sélection pour intégrer cette force appelée à opérer dans le pays. Il y a bien des zones d’ombre autour de la constitution et du déploiement de cette armée d’un genre nouveau dont la mission n’est pas clairement définie. D’ailleurs, même dans le Département de l’Artibonite où les 41 hommes vont être cantonnés, personne n’en a été informé. Le sénateur du Département,  François Anick Joseph déclare avoir appris la nouvelle par voie de presse. Autrement dit, tout a été conçu, planifié et mis en œuvre dans le plus grand secret.

La façon dont cette Armée a été constituée, s’il faut l’appeler ainsi, va certainement causer plus de discorde et renforcer la méfiance entre le pouvoir exécutif et les haïtiens qui, vraisemblablement, ne croient plus en leurs « élus ». Le projet de reconstituer l’Armée a toujours été un sujet de controverse en Haïti. Evidemment, certains secteurs saluent la décision du chef de l’Etat, mais de nombreux autres s’y opposent farouchement. En Haïti aussi bien que dans les communautés haïtiennes d’outre-mer, la question fait des vagues. Les pros s’appuient sur le fait que l’Armée a été à la base de la création de l’Etat d’Haïti, tandis que les opposants s’interrogent sur les vraies motivations du président Martelly qui réintroduit la question de l’Armée au moment où il se trouve englué dans une crise multidimensionnelle et des scandales en cascades ayant éclaboussé son régime. S’agit-il d’une diversion en plus ? De toute façon la question est trop sérieuse pour en faire un sujet de plaisanterie.

S’il existe des zones d’ombre autour de la reconstitution de l’Armée de Martelly, il faut par contre mettre en lumière une vérité. Revenons sur les faits. Le 10 Septembre 2012, le Président Michel Martelly, reçoit, au Palais National, 8 jeunes sélectionnés par le Ministère de la Défense, afin de suivre une formation militaire de quatre ans à l’École Supérieure Militaire Eloy Alfaro (Quito, Equateur), dans le cadre de la coopération entre les deux pays. Il s’agit de : Ernst St-Louis, Evenson Ilant, Sadrac Ladouceur, Mario Carl Erby Florestal, Jean Elie Pierre Paul, Werby B. Jean, Nioventz Vixamarre et Judney B. Jean. La cérémonie de présentation de ces jeunes à la presse, s’était déroulée en présence, entre autres, de l’Ambassadeur de l’Équateur en Haïti, M. Carlos Lopez, du Ministre de la Défense, M. Jean Rodolphe Joazile, accompagné de son Directeur Général, M. Carel Alexandre, du Sénateur John Joël Joseph, de Me Michel Brunache alors Secrétaire général de la Primature, et du Directeur général de la Police Nationale d’Haïti, Mr. Godson Aurélus. En clair, la formation de ces militaires–ingénieurs devait durer quatre (4) ans, non pas dix (10) mois. A moins qu’ils aient déjà eu une formation d’ingénieur avant leur recrutement.

Ces 8 jeunes ont été sélectionnés suivant un processus rigoureux, dont les détails n’ont pas été révélés à la presse, mené conjointement par le Ministère haïtien de la Défense et des cadres de l’Ecole Militaire équatorienne, venus en Haïti spécialement à cet effet, souligne le ministre de la Défense, Rodolph Joazile. C’était l’année dernière. Ensuite, dix (10) ingénieurs civils, dit-on, ont été sélectionnés pour une formation dans la construction verticale, le génie rural, les routes et ponts, et les techniques de purification d'eau. Trente autres techniciens en génie civil auraient reçu la même formation. En fait, ce sont quarante-huit (48) jeunes haïtiens qui auraient reçu cette formation. Seulement 41 sont de retour ; donc, il en manque sept (7). Où sont-ils passés ? Qu’est-ce qui leur est arrivé ? N’ont-ils pas réussi le test de passage avant leur graduation ? Notons qu’au départ, il y avait déjà 10 ingénieurs civils et à leur retour on parle de onze (11). Ceux qui étaient des ingénieurs ont été en Equateur juste pour recevoir une formation militaire.

En plus de l’opacité qui entoure le processus de recrutement des membres de l’Armée reconstituée à l’insu des haïtiens, il se pose le problème du budget de fonctionnement de cette force. Pas un sou n’a été prévu pour le fonctionnement d’une quelconque Armée dans le budget de l’exercice 2013/2014. Alors, comment les militaires vont-ils être rémunérés ? Vont-ils travailler comme de simples volontaires nationaux ? Seront-ils payés à partir du budget de la présidence ? En 2011, le président Martelly, dans un document acheminé aux représentants de la communauté internationale en poste à Port-au-Prince, avait clairement  fait part de ses intentions d’allouer un budget de 95 millions de dollars américains à la création d’une nouvelle force de défense avec un groupe initial de 3.500 hommes, un service d’intelligence et un état-major intérimaire déjà en formation. Pourtant, l’Armée est reconstituée sans budget. Or, en principe, pendant toute la durée de leur formation, les militaires auraient dû recevoir des frais, car ils sont appelés à servir l’Etat.

Une autre anomalie c’est que, cette Armée construite dans le silence et le secret est passée brusquement de 3.500 hommes initialement à 41. Qu’est ce qui explique cette réduction ? S’agit-il d’une stratégie visant à faire avaler plus facilement le projet de reconstitution de l’Armée. Etant donné que la question divise l’opinion publique, le régime peut opter pour une formule douce et lente pour faire accepter son Armée que plus d’un perçoit déjà comme une « milice présidentielle ».

En plus de l’absence de budget, il n’y a toujours pas un État-major pour coiffer la « nouvelle force armée ». Il n’y a pas non plus de commandant à la tête de l’institution militaire.  Pourtant, dans tous les pays du monde, l’armée est une institution bien organisée, structurée et hiérarchisée. C’est la première fois dans l’histoire militaire qu’une armée soit composée d’officiers et de soldats sans aucuns sous-officiers. C’est une armée spéciale investie d’une mission spéciale qu’elle doit accomplir au sein d’une société toute aussi spéciale. Où est l’État-major qui était déjà en formation depuis en 2011 ? Sa formation prend-elle plus de temps que celle des militaires-ingénieurs ?

Il est évident que la reconstitution en secret de l’armée divise les haïtiens. Aujourd’hui le débat n’est pas nécessairement de savoir si on est pour ou contre l’Armée. Le pays a peut- être besoin d’une armée, mais pas une armée au service d’un homme ou un groupe d’hommes, d’un secteur national ou international. Il faut une Armée au service de la nation. Et compte tenu du contexte actuel, la reconstitution de l’Armée constitue-t-elle vraiment une priorité ? Une armée sans budget de fonctionnement, sans Etat-major, sans commandement, c’est tout simplement une armée dérisoire comparée à celle de la République Dominicaine qui compte en ses rangs pas moins de quatre-vingt mille hommes. C’est exceptionnel !

L’Armée est dissoute depuis 1995. A ce moment, la majorité des haïtiens étaient soulagés que cette Armée qui constituait une force d’occupation indigène ne soit plus là pour conduire la répression contre les masses. En plus des multiples coups d’Etat sanglants dont elle était responsable, cette Armée s’était taillée une réputation dans les violations systématiques des droits humains et des atteintes à la démocratie. Cependant, elle continue d’exister constitutionnellement. La démobilisation de l’Armée a été faite dans le désordre où les anciens militaires ont été lâchés dans la nature en possession de leurs armes. Il est aujourd’hui inconcevable de vouloir la remobiliser ou d’en construire une autre force dans le désordre et de manière unilatérale.

L’Armée est une institution nationale. Elle doit refléter les aspirations du peuple haïtien. Sa philosophie doit être certainement en conformité avec les réalités socioculturelles et anthropologiques du pays. Sa constitution ne peut être confiée aux caprices d’un individu sans un consensus national.  Avoir l’adhésion de la majorité des Haïtiens autour de la reconstitution de l’Armée s’avère indispensable. Déjà, l’Armée de Martelly accuse un déficit grave de crédibilité. De même que la police nationale, la formation initiale des premiers éléments de cette force a été assurée quasi essentiellement à l’étranger et par des étrangers. Pourtant, l’Armée est la gardienne de la souveraineté nationale. Contraste !

Autre sujet de préoccupation aujourd'hui : la cohabitation de cette nouvelle force avec la police nationale et  la MINUSTAH. Il faut aussi tenir compte des anciens militaires dont certains ont encore en leur possession leurs armes de combat. Selon un communiqué de la présidence, ces jeunes sont le fruit de la promesse électorale du président de la République de remobiliser les Forces armées d'Haïti sous forme d'une force de défense nationale. « Celle-ci sera principalement affectée à la surveillance de nos frontières, à la lutte contre la contrebande et les trafics illicites, à la vigilance environnementale, à la protection civile, etc. » En fait, la promesse de Martelly relative à la remobilisation de l’Armée lui avait attiré la sympathie des anciens militaires. Pourtant, aucun d’entre eux n’a été appelé à faire partie de la nouvelle force. Est-ce un acte de trahison en plus du président ?

La reconstitution en cachette de l’Armée par le régime en place soulève des inquiétudes au niveau de différents secteurs dont les défenseurs des droits humains. Le directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Pierre Espérance s’indigne de la décision unilatérale du chef de l’Etat de reconstituer l’Armée sans en informer les autres pouvoirs publics et les forces vives du pays. Selon M. Espérance, il ne s’agit pas d’une Armée, mais d’un corps paramilitaire au service de Michel Martelly. Il estime que la population devrait se révolter contre la décision du chef de l’Etat pour éviter que le pays ne bascule à nouveau dans la dictature.

Au-delà de toutes ces considérations, il faut admettre que le pouvoir en place a peur. Après plus deux ans de gestion du pays marqués par des scandales de corruption en tout genre, les tenants du régime ne se sentent guère en sécurité. Les menaces de mise en accusation qui pèsent sur les plus hautes autorités du pays font certainement peur. C’est peut-être pour conjurer cette peur générale que le pouvoir tente de se doter de sa propre force répressive. C’est aussi la raison pour laquelle Martelly veut faire peur à ses opposants qui, ces derniers temps se sont montrés déterminés à le chasser du pouvoir, s’il ne change pas de direction dans la conduite des affaires de l’Etat. Martelly sort donc ses muscles et veut intimider l’opposition. En plus de plusieurs dossiers en suspens, le régime a déjà fait emprisonner au moins deux opposants, les frères Josué et Enold Florestal. Pour s’assurer une certaine survie politique, le régime qui est accusé d’avoir violé systématiquement la Constitution doit disposer d’une force répressive capable de placer ses opposants en couple réglée.

 Francklyn B. Geffrard
Centre International d’Etudes et de Réflexions (CIER)

 
 
Vol. 7 • No. 9 • Du 11 au 17 Septembre 2013
 

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