Le
25e Sommet de la Communauté des Caraïbes (CARICOM)
qui s’est déroulé les 10 et 11 Mars dernier a débouché au moins
sur deux grandes décisions dont Haïti sera la plus grande
bénéficiaire : Le dossier de la dette historique des anciens
oppresseurs coloniaux et le dialogue engagé entre Haïti et la
République Dominicaine sur l’Arrêt 168-13 de la Cour
constitutionnelle qualifié de raciste et discriminatoire. Et,
l’absence de dirigeants qui se mettent à la hauteur de leur
tâche ne peut pas contribuer au rapport de force nécessaire à la
CARICOM pour forcer les anciennes puissances coloniales à
réparer les anciennes colonies et de restituer à Haïti les 90
millions franc-or extorqués en reconnaissance de l’Indépendance
conquise au prix de lourds sacrifices de nos ancêtres. Avec
l’adoption de la loi Taubira du 10 mai 2001, la France, ancienne
puissance coloniale reconnait l’esclavage comme étant un crime
contre l’humanité. Car, selon un principe sacro-saint, tout
crime mérite d’être réparé et toute acquisition illégale et
forcée mérite d’être restituée.
Pour y parvenir, les représentants des 15 pays membres
de la CARICOM ont paraphé un accord, à savoir : Antigua et
Barbuda, Bahamas, Barbados, Belize, Dominique, Haïti, Jamaïque,
Grenades, Guyane, Montserrat, Sainte-Lucie, Surinam, Saint-Kitts
et Nevis, Saint-Vincent et les Grenadines, Trinité et Tobago ont
décidé de mettre en place un plan en dix (10) points, une
commission régionale des réparations et engagé un cabinet
d’avocats. Ce plan vise à exiger des anciennes puissances
coloniales des dédommagements financiers, comme répliques
persistantes de la traite des esclaves à travers l’Atlantique.
Il comprend entre autres des excuses officielles publiques,
l’annulation de la dette des anciennes puissances coloniales,
comme la Grande Bretagne, la France et les Pays-Bas, une aide
européenne pour renforcer le secteur de la technologie, de la
Santé et de l’éducation dans la région ainsi que des
institutions culturelles, telles que les musées et les centres
de recherches.
La commission des réparations de son côté
doit travailler à ce que davantage soit fait pour les
descendants d’esclaves dans les Iles confrontées à de graves
problèmes économiques. L’un des avocats du cabinet Leigh Day, en
Angleterre, Martyn Day a annoncé qu’une réunion devrait avoir
lieu à Londres entre les représentants des Caraïbes et l’Europe
et cette rencontre permettra aux clients de déterminer
rapidement si leurs préoccupations sont prises au sérieux. « Des
plaintes vont sans doute être déposées par devant les
gouvernements britanniques, français, néerlandais, et
probablement Suédois, norvégien et danois. Ces plaintes seraient
envoyées d’ici la fin du mois avril, » a déclaré Martyn Day.
Les nouveaux dirigeants de l’organisation régionale
confirment qu’un cadre légal a déjà été mis en place pour
statuer sur la nécessité de continuer d’exiger les réparations.
Concernés par cette démarche judicieuse, les pays membres de la
CARICOM ont déjà constitué des structures chargées de poursuivre
les anciens pays colonisateurs pour crimes contre l’humanité.
« Je dirais que nous avons fait de bon progrès sur cette affaire
et, avant la fin du mois de juin 2014, des démarches vont être
entreprises dans les pays européens en ce qui concerne la
question des réparations. Nous croyons que nous avons le droit
et les faits de notre côté pour engager le procès contre les
génocides des populations indigènes et l’esclavage africain et
nous ferons de ce sujet notre cause. Les choses ne sont jamais
faciles, mais il s’agit de 15 pays souverains, représentant 16
millions d’habitants (Haïti seule représente plus de 10 million)
avec une énorme diaspora aux Etats-Unis, au Canada et en
Europe ; (celle d’Haïti avoisine 5 millions). Je pense que nous
avons une certaine influence dans la région. Nous sommes
convaincus que nous avons la loi et les actes de notre côté, » a
déclaré, le président de la CARICOM, également Premier ministre
de Saint-Vincent et les Grenadines, Ralph Gonsalves à l’issue du
Sommet. Il a en outre affirmé qu’après les premières
discussions, ils vont soumettre une demande formelle des
réparations. La CARICOM dit être prête à opter pour un litige si
l’Europe refuse de négocier.
Haïti de son côté doit se mettre au pas, puisque ce
dossier la concerne sous deux (2) angles : réparation et
restitution comme l’avait sollicité l’ex-président, Jean
Bertrand Aristide au début de l’année 2003. Le premier concerne
la réparation du crime de l’esclavage durant plus de 400 ans et
le second la restitution de la dette de l’Indépendance extorquée
par l’ancienne puissance coloniale française. On l’appelle dette
historique, les 90 millions franc-or. En 2003, à l’occasion de
la commémoration du bicentenaire de la mort du précurseur de
l’Indépendance d’Haïti, Toussaint Louverture, le président
d’alors, Jean Bertrand Aristide fit un discours dans lequel il
avait demandé à la France la réparation des dommages dûs à
l’esclavage et la restitution de 90 franc-or ; l’équivalent est
évalué à 21 milliards 685 millions, 135 mille, 571.48 de dollars
US. Le coup d’Etat-kidnapping du 29 février 2004 a mis fin à
cette démarche louable. Dix (10) ans plus tard le dossier de
réparation et de restitution refait surface et la CARICOM a tout
mis en place pour le faire avancer.
Haïti, la première République nègre du monde appauvrie
par la puissance coloniale française, assujettie par
l’occupation de la puissance impérialiste des Etats-Unis, rongée
par la dictature des Duvalier, elle-même supportée par les
puissances mentionnées ci-dessus, a besoin de cet argent devant
lui permettre de rompre avec la politique de mendicité de l’aide
internationale qui est une source de richesse pour certains
ressortissants étrangers, patrons des Organisations
Non-Gouvernementales dites ONG. La restitution et la réparation
vont pouvoir sortir Haïti de l’ornière de la pauvreté et du
sous-développement. L’aide internationale et le néolibéralisme
ne font que contribuer à la destruction de la production
nationale et maintenir la première République noire sous la
domination étrangère et l’exploitation capitaliste. L’Appel est
lancé à tous les progressistes et révolutionnaires de travailler
à la désoccupation du territoire national, la réparation et la
restitution, leur cause profonde à défendre. Elles doivent
également servir comme étant de véritables outils de lutte pour
réveiller la conscience collective afin de forcer la main aux
anciennes puissances coloniales. Il faut rappeler toutefois que
la CARICOM est la seule organisation régionale qui a toujours
pris des positions correctes et fermes sur des dossiers
concernant la vie du peuple haïtien. La position de la CARICOM
sur le dossier de la dénationalisation des Dominicains d’origine
haïtienne est ferme. Le président de la CARICOM Ralph Gonsalves
dit attendre avec impatience le projet de loi promis par le
président dominicain, Danilo Médina depuis le 27 février
dernier. Ce projet de loi devrait résoudre les torts
incommensurables de l’Arrêt 168-13 sur les droits de l’homme en
République Dominicaine; mais jusqu’à présent, rien n’a été
fait. Aucun progrès n’a été constaté dans ce domaine depuis les
réunions de la commission gouvernementales bilatérale haïtiano-dominicaine.
Il conditionne sa participation aux prochaines réunions du
dialogue à titre d’observateur avec la publication de ladite loi
rectificative.
En 2004, suite au coup d’Etat-kidnapping contre le
président Jean Bertrand Aristide, la CARICOM avait rompu les
relations avec le gouvernement de facto d’Alexandre-Latortue. La
CARICOM ne veut pas servir d’instrument au service des anciennes
puissances coloniales et des puissances impérialistes, ce rôle
joué par l’OEA, l’ONU, l’Union Européenne et d’autres
institutions financières, comme le complexe FMI-Banque
Mondiale, la BID, pour assujettir les peuples de la Caraïbes. |