
Haiti
Liberté (HL) :
Sénateur Moïse, au mois de décembre dernier vous
avez fait un voyage au Brésil pour assister au Congrès du Parti
des Travailleurs de ce pays. Quand vous avez rencontré la
présidente Dilma Roussef, de quoi avez-vous discuté et comment
est la situation du retrait des troupes de la MINUSTAH ? Est-ce
que cela peut se faire avant la date limite du 28 mai 2014 ainsi
que le Sénat l’a fixé l’année dernière ?
Moise Jean-Charles :
Nous rappelons à tous que nous avons déjà fait plusieurs voyages
au Brésil. Nous avons rencontré différents responsables
politiques et des universitaires. Nous sommes allés à
l'Université de Brasilia, qui est la plus grande université de
ce pays. Nous sommes allés dans différentes écoles situées dans
les zones rurales, en banlieue de Brasilia, nous avons rencontré
de nombreux étudiants. Nous avons visité plusieurs grandes
villes du Brésil comme Sao Paolo, Rio de Janeiro et Brasilia, la
capitale du pays. Nous avons aussi parlé aux syndicats, aux
organisations de femmes, à des parlementaires locaux et
nationaux. Nous avons également rencontré le ministère des
Affaires étrangères du Brésil.
C’était une véritable victoire diplomatique et politique.
Quelques semaines après avoir quitté le Brésil, le représentant
du Secrétaire général de l'ONU en Haïti, pour nous tourner en
dérision avait déclaré à la presse que nous n'avions rien fait
d’autre au Brésil, que déguster des fruits de mer à la plage.
Mais contrairement à ce qu’a dit Mr le représentant du
Secrétaire général de l'ONU en Haïti, notre visite a eu un grand
impact. C’est tellement vrai que 1) le gouvernement haïtien
s’est vu obligé de rappeler son ambassadeur du Brésil, Mr Madsen
Cherubin ; 2) la Communauté internationale, le Secrétaire
général de l'ONU, le gouvernement des Etats-Unis en accord avec
le gouvernement haïtien avaient pris la décision d'envoyer le
Premier ministre Laurent Lamothe au Brésil pour venir
contrecarrer notre victoire diplomatique.
Lamothe
était censé aller passer deux jours, il a prolongé son voyage
parce qu'il ne pouvait pas défaire tout ce que nous avions fait.
C’est pour la première fois, que nous avons eu la possibilité de
présenter le cas de l’occupation du pays par les soldats
brésiliens de la Minustah devant les tribunes du Sénat
brésilien ; mais dans le cadre de notre dernier voyage en
Décembre dernier, nous avons déposé officiellement la résolution
28 mai du Sénat haïtien qui avait voté, et demandé à la MINUSTAH
de quitter le pays, pas plus tard que le 28 mai 2014.
Nous avons participé au Congrès du plus grand Parti au Brésil le
parti des travailleurs ( PT ), qui est au pouvoir. C’est le
parti de l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva. Il avait
été également prévu une rencontre avec l’actuelle présidente Dilma
Roussef . Nous l’avons en effet rencontrée et discuté avec elle
de la situation en Haïti. Elle nous a dit : « Sénateur Moïse,
vous avez raison, je connais bien la situation d’Haïti». En fait
elle m'a dit qu'elle allait essayer de faire tout son possible
pour résoudre la situation. Je lui ai expliqué, qu’on nous avait
dit que c’était une mission de maintien de la paix en Haïti,
c’était censé être une mission humanitaire, mais elle a été
transformée en une mission d’occupation.
Pour revenir au Congrès du PT, c’était une victoire
diplomatique et politique véritable. Pourquoi ? Grâce au travail
que nous avons fait dans toutes les grandes villes du Brésil, où
le vote a été mené au Congrès du PT en Décembre dernier, le
peuple haïtien est sorti gagnant car la décision du Congrès PT
était de demander à l'exécutif, que le Parlement brésilien
retire les troupes en Haïti. Ne l'oubliez pas ! Le Parti PT,
c’est le parti de président Dilma, il détient la majorité au
parlement.
HL :
Le 6 Février Président Obama a rencontré
Martelly Pourquoi, selon vous, ils ont décidé de le faire après
près de 3 ans, et comment cela va-t-il affecter la situation
politique dans le pays ?
Moise Jean Charles :
Je n’avais pas compris quand le président Martelly avait déclaré
récemment au Cap-Haitien que le Sénateur Moïse est une bonne
personne, qu’il est un démocrate, que sa présence signifie la
démocratie. Je n'avais pas compris quand il avait dit cela. Mais
avant la rencontre Obama-Martelly, les fonctionnaires du
ministère d'État des États-Unis m'ont invité à venir leur parler
à Washington. Et puis, j'ai compris le jeu. Je comprends aussi
le dialogue en cours. Un dialogue pour la galerie. C'était un
dialogue pour vendre Martelly, vendre son image comme quoi il
est meilleur maintenant, c’est un démocrate, c’est une façon de
le réhabiliter et également de consolider son pouvoir.
HL :
Le 3 février un nouveau parti a été lancé à Port-au Prince la
Coordination Dessalines. Que pensez-vous de la position de ce
parti, et quelle relation vous avez avec cette structure
politique?
Moïse Jean-Charles.
Ce que je voudrais que chacun sache, c’est que le peuple a
besoin d'une alternative. Tous les partis qui sont actuellement
sur le terrain ce sont les pays impérialistes qui les mènent.
Tous les dirigeants politiques, ce sont les pays impérialistes
qui leur dictent leur position, leur ligne politique. Le parti
qui devrait accompagner les masses populaires ce devrait être
Fanmi Lavalas. Mais quant à présent, et c’est malheureux et
c’est vraiment regrettable de le dire, les colons impérialistes
ont pris Aristide en otage.
Mais le colon
se trompe. Ils ont fermé la bouche de Jean- Bertrand Aristide,
mais il y aura toute une pléiade de Jean Bertrand Aristide à
émerger dans le grand mouvement Lavalas pour continuer la lutte
du peuple haïtien qui a atteint une dimension nationale et
internationale. L’idéal que nous défendons, nous ne pouvons pas
laisser aux ennemis qu’ils le fassent voler en éclats.
Par conséquent, je ne peux qu’être d’accord avec toutes les
organisations qui se donnent comme orientation politique de
défendre les intérêts du pays, en travaillant pour le départ de
la MINUSTAH du pays, pour une réforme agraire et pour une
révolution pacifique, afin que les enfants puissent aller à
l’école, que les paysans puissent trouver du crédit agricole,
que le peuple puisse trouver des soins de santé. En fait je suis
d’accord avec cette nouvelle formation politique qui veut non
seulement apporter une amélioration dans la vie des masses, mais
c’est aussi un parti anti-impérialiste et anti-macoute. Ce
serait vraiment un parti alternatif différent des autres partis
traditionnels qui n’ont aucune discipline de parti.
Je
souhaite que ses dirigeants maintiennent l’idéologie qui
protège l’idéal du 16 décembre afin que nous puissions
accompagner les masses, de façon à ne pas les laisser à
l’abandon dans les rues.
Nous avons une très bonne collaboration avec la Coordination
Dessalines (KOD), nous avons une très bonne collaboration
également avec les groupes de base FOPARK, et le Grand-
Mouvement de Bel air. En somme nous avons une très bonne
collaboration avec toutes les structures politiques qui
travaillent pour un changement total et fondamental dans le
pays.
HL :
Merci sénateur Moise ?
Moise Jean Charles :
Merci, Haïti Liberté |