Dans la logique de perversité, à la manière du régime
dictatorial des Duvalier, le pouvoir kaletèt de Martelly-Lamothe
a eu le toupet de réinstaurer toute une série de vieilles
pratiques rejetées par le peuple depuis plus de deux décennies.
Telles sont en autres : la réanimation de la flamme éternelle au
pied du Nègre Marron, la loterie nationale, la célébration
d’anniversaire de son accession au pouvoir (14 mai), son
auto-proclamation de chef suprême de la nation, la volonté
manifeste de former un corps armé parallèle dénommé, le police à
la manière des tontons macoutes et inauguré un 29 juillet, la
velléité de dissoudre le Parlement et de diriger par décrets et
l’instauration du carnaval des fleurs à l’époque même de la
commémoration du débarquement des soldats étasuniens en Haïti,
le 28 juillet 1915.
Ce carnaval qui a débuté le 28 juillet cette année, une date
marquante de l’histoire récente du peuple haïtien, a soulevé de
vives contestations de divers secteurs de la vie nationale, à un
moment où les conditions de vie socio-économiques de la
population continuent de se dégrader. Sit-in, manifestations,
pétition, débats et émissions libre tribune dans les medias
expriment péremptoirement une position contraire au pouvoir,
qui, aux yeux de plus d’un, est vu comme des jouisseurs, des
bambocheurs, des gaspilleurs, des corrupteurs, des dilapidateurs
des fonds de l’Etat. Trois (3) carnavals au cours d’une seule
année, c’est trop pour un pays appauvri qui se livre constamment
à la mendicité : le carnaval traditionnel délocalisé vers le
Cap-Haitien qui a coûté des centaines de millions de gourdes ;
le carnaval du 14 mai au champ-de-mars qui a coûté plus de 40
millions de gourdes et le carnaval des fleurs qui coûte
également des centaines de millions de gourdes au Trésor public.
Face à ces velléités de retour à la dictature et à la
dilapidation des fonds publics, la résistance mérite d’être
renforcée au sein des masses populaires. C’est dans cette perspective
que des mouvements de protestation ont été réalisés contre
l’organisation du carnaval des fleurs à l’occasion du 98eme
anniversaire du débarquement des marines étasuniennes sur la
terre de Dessalines et à l’approche de la commémoration du
centenaire de cette date horrible de l’histoire du peuple
haïtien. Les protestataires ont non seulement évoqué la date du
28 juillet qui est incompatible avec le carnaval des fleurs,
mais également avec les réalités de la faim, la cherté de la
vie, la réouverture des classes, le problème de l’énergie
électrique démontrant ainsi très clairement qu’il n’y a pas lieu
de tenir, dans de telles conditions des activités révolues
improductives et irrationnelles, comme le carnaval des
fleurs.
Aux Gonaïves, à Port-Au-Prince, dans le Nord du pays et un peu
partout, des voix s’élèvent pour dire NON au carnaval des
fleurs. C’était aux cris de: « Aba Martelly ! Aba lavichè ! Aba
grangou woz » que plusieurs dizaines d’habitants de la cité de
l’indépendance ont organisé un sit-in au début de la semaine
dernière pour dire NON au carnaval des fleurs. Le carnaval des
fleurs, disait-on, est une occasion pour l’équipe kaletèt de
justifier le gaspillage de l’argent de l’Etat. Par contre, ils
ne font rien pour améliorer les conditions de vie de la
population, notamment celle des quartiers pauvres des Gonaïves.
Le changement qu’il a promis lors de sa campagne électorale
reste encore et toujours à l’oral. « A Raboteau, comme
d’habitude la faim et la misère battent leur plein. Des enfants
ne peuvent pas aller à l’école, des scolarités ne sont pas
encore payées. Nous n’en pouvons plus. Le président Martelly et
le Premier ministre Lamothe devraient prendre note de ce
mouvement », ont-ils
déclaré.
Ils ont en outre soutenu que les 97 millions de gourdes, qu’ils
disent avoir injectés dans la réalisation du carnaval des
fleurs, pourraient de toute évidence servir à d’autres choses
utiles et productives dans l’intérêt du peuple haïtien.
A Port-Au-Prince, le vendredi 26 juillet, deux
jours avant le déroulement de ce carnaval, des centaines de
personnes ont manifesté dans les rues de la capitale, a
l’initiative des Forces Patriotiques pour le Respect de la
Constitution (FOPARC), pour dire NON mille fois NON au carnaval
des fleurs, exiger justice pour le juge empoisonné, Jean Serge
Joseph et dénoncer la persécution politique et les actes
d’intimidation dont font l’objet des membres de l’opposition au
pouvoir kaletèt, particulièrement le sénateur, Moise
Jean-Charles et l’avocat André Michel.
Démarrés
devant les locaux de l’église de St-Jean Bosco, les manifestants
ont parcouru diverses rues de la capitale avant de mettre fin à
ce mouvement dans l’aire du champ-de mars, où il y avait des
préparatifs pour ledit carnaval. « Arete Olivier ! Arete
Sophia! Aba Martelly !Martelly touye jij la ! Fòk Martelly jije!”
Tels étaient les slogans qui inscrits sur des murs et des
véhicules se trouvant sur le parcours de la manifestation.
Au Champ-de Mars, des posters de Martelly ont été arrachés,
jetés par terre et piétinés en signe de
protestation.
Dans la foulée, deux semaines avant la réalisation du sabotage
de la mémoire du peuple haïtien, de l’humiliation de plus de 20
mille cadavres de nos frères et sœurs haïtiens, dont Charlemagne
Peralte, Benoit Batraville, Pierre Sully et des centaines de
paysans de Marchaterre dans le Sud du pays ; un groupe de
citoyens haïtiens a adressé une pétition au gouvernement haïtien
lui demandant le report de l’organisation de son carnaval des
fleurs« Nous,
citoyens haïtiens, signataires de cette pétition, sommes choqués
du choix de la date du 28 juillet par le gouvernement pour
l'inauguration de son « carnaval des fleurs ».
C'est le 28 juillet 1915 que débuta l'Occupation américaine
d'Haïti.
Souffrons que le gouvernement choisisse d'engager des dépenses
dans un carnaval de plus, alors que le pays a besoin d'argent
pour organiser des élections et pour les besoins d'une
population en souffrance. Souffrons encore que le gouvernement
ait oublié ou fasse semblant d'oublier dans quel contexte et à
quelles fins la dictature des Duvalier avait créé le « carnaval
des fleurs ». Mais que le gouvernement choisisse la date du 28
juillet, c'est un manque de respect pour les citoyens ayant
combattu l'occupation, c'est un manque de respect pour un pays
qui a besoin de réfléchir sur chemin de la sortie de cette
occupation que nous vivons aujourd'hui.
La journée du 28 juillet doit être une journée de réflexion et
de souvenir, pour que de tels malheurs ne se reproduisent plus.
A un moment où les voix du pays se lèvent pour demander le
départ de la MINUSTAH, si le président, le Premier ministre, le
ministre de la Culture, le ministre de l'Education nationale et
l'ensemble du gouvernement estiment que cette date symbolique
appelle à la bamboche, ils peuvent la célébrer ainsi en privé ;
mais ils n'ont pas le droit de mobiliser les ressources de
l'Etat pour nous voler notre droit à nous d'utiliser cette date
pour réfléchir sur notre histoire et la situation actuelle du
pays. Nous demandons que le gouvernement choisisse une autre
date pour organiser son « carnaval des fleurs ». Nous demandons
aux médias de présenter en cette journée du 28 juillet 2013 des
émissions de réflexion à caractère pédagogique autour des causes
et conséquences du 28 juillet 1915, et portant sur la situation
actuelle du pays. Au nom de celles et de ceux qui ont combattu
l'Occupation. Au nom des enfants haïtiens que nous n'avons pas
le droit de laisser grandir dans l'ignorance et l'indignité. »
Lors d’une conférence de presse, le jeudi 25 juillet, des
organisations politiques et sociales du pays ont dénoncé le
maintien de la décision du pouvoir kaletèt en vue d’organiser le
carnaval des fleurs, ce 28 juillet, date du débarquement des
soldats étasuniens sur le territoire haïtien. Le représentant du
parti « Kan pep la », le professeur Camille Charlmers n’a pas
manqué de mots durs pour critiquer la décision arbitraire du
gouvernement. Selon lui, le 28 juillet est une date douloureuse
pour le pays, cette occupation, qui a duré 29 longues années,
est responsable de la faillite de l’économie haïtienne, des
massacres de milliers de paysans haïtiens et du pillage des
ressources du pays. « Le 28 juillet 1915 est une date importante
et déterminante des évènements qui allaient se produire dans le
pays entre le 200ème et 21ème siècle.
Aujourd’hui, nous avons un pouvoir qui ferme totalement ses yeux
sur la misère du peuple haïtien, qui n’entend pas les
revendications des paysans et des masses populaires relatives à
la souveraineté politique et alimentaire, les cris des femmes
qui subissent toutes sortes de violences. Donc ce n’est pas
étonnant qu’il ne prête pas attention à la requête d’un groupe
de citoyens haïtiens, en choisissant de préférence de cracher,
une fois de plus, sur l’histoire du
pays. »
Pour
sa part, le représentant du Mouvement Démocratique et Populaire
(MODEP), Guy Numa, proclame que le pouvoir kaletèt, depuis son
arrivée à la tête du pays a affiché un grand mépris pour les
dates historiques et l’histoire du pays en général. A cette
phase de l’histoire, le peuple haïtien doit de préférence
profiter de cette date pour relancer la lutte contre cette
nouvelle forme d’occupation que subit le pays avec la présence
des forces de l’ONU, la MINUSTAH qui ne cesse de commettre
toutes sortes d’exactions contre le peuple
haïtien.
De plus, dans des émissions de libre tribune sur les ondes de
différentes stations de radio de la capitale, la population
s’est prononcée contre l’organisation du carnaval des fleurs. En
dépit de la tradition culturelle, la naïveté, et l’émotion des
masses, le vendredi 26 juillet, en lieu et place de l’invité du
jour de la radio Vision 2000, l’animateur a ouvert les lignes
pour demander à la population de se prononcer par oui ou par non
sur sa participation au carnaval des fleurs. Mais les
participants ont pris le temps nécessaire de bien analyser la
situation avant de se positionner, la majorité d’entre eux ont
avancé des arguments irréfutables pour que le carnaval des
fleurs ne puisse pas se tenir. A la fin de l’émission qui a duré
environ une heure de temps, sur 24 appels reçus, 20 se sont
prononcés contre le carnaval des fleurs, 3 pour et un a fait
abstention, selon le résultat prononcé par l’animateur. Les
argumentaires avancés par les participants qui sont contre
reposent sur des faits justes et fondés, tels : la faim, la
misère, le chômage, l’éducation, les élections, et bien d’autres
problèmes socio-économiques. Les 97 millions de gourdes alloués
en dehors de la loi de finances de la République devraient
servir à résoudre ces problèmes au lieu de les jeter dans des
activités carnavalesques..
En dépit de toutes ces formes de protestations citoyennes, le
président Martelly n’a pas voulu entendre raison. Il a engagé
l’Etat dans une absurdité à un mois de la réouverture des
classes, pour laquelle les parents devront plancher sur les
préparatifs de cette nouvelle année scolaire ; à un moment où
les élections devraient être organisées pour le renouvellement
du personnel politique et administratif du pays. On doit se
rappeler que l’année dernière le carnaval des fleurs a retardé
la rentrée des classes d’un mois. Cette année encore, qu’est-ce
qui va se passer? Est-ce vraiment l’affaire du carnaval qui est
en question ? De toute façon, sous le pouvoir kaletèt, durant
ces 2 ans, au moins 5 carnavals ont été déjà réalisés : 2
carnavals traditionnels, 2 carnavals des fleurs, et le carnaval
du 14 mai 2013 au champ-de mars. Ceci prouve très clairement
qu’on a actuellement au pouvoir en Haïti des bambocheurs et non
des hommes d’Etat responsables, œuvrant dans l’intérêt supérieur
de la nation et du peuple haïtien, incapables d’apporter un
certain changement dans les conditions de vie de la population. |