Le vendredi 29 novembre dernier, à Port-au-Prince et au
Cap-Haïtien des milliers de manifestants ont gagné les rues pour
réclamer le départ du président Michel Martelly.
Sous le leadership du sénateur Moise Jean-Charles, du député
Arnel Belizaire et de l’organisation populaire Force patriotique
pour le respect de la Constitution (FOPARC), ils étaient des
milliers de manifestants venus du Bel-air, de Cité Soleil et
autres endroits populaires et défavorisés de la capitale. Ils
chantaient, dansaient et lançaient des slogans hostiles au
pouvoir en place sur tout le parcours en direction de la route
Gérald Bataille pour se rendre devant l’ambassade américaine à Tabarre 41, à l’est de Port-au-Prince, pour non seulement
critiquer l’ingérence des Etats-Unis dans les affaires
politiques d’Haïti mais aussi réclamer le départ du président
Michel Martelly, qu’ils considèrent comme un américain. C’était
sous la bannière du slogan «
Après Pétion, Dessalines va rendre
une visite à l’oncle Sam
». «
Non à Martelly et Lamothe. Obama, il faut cesser de supporter
Martelly !
», ne cessaient de scander les militants qui se réclamaient fils
de Dessalines
sur
tout le parcours.
Arrivés au niveau de Carrefour Fleuriot, les agents des unités
d’intervention de la PNH accompagnées des policiers de la
MINUSTAH empêchèrent aux manifestants de poursuivre leur
destination et dès lors ils commencèrent à tirer des canons à
eau et du gaz lacrymogène pour évacuer la foule qui
héroïquement réagissait en chantant «
si yo tire sou nou n ap mete dife
». Ainsi donc la Police et la MINUSTAH ont mis fin prématurément
à la grande manif populaire qui devait se rendre devant
l’ambassade des Etats-Unis. C’est quand même une victoire
d’avoir levé ce défi en marchant ce jour-là pour se rendre à
Tabarre.
Ce même jour, d’autres, quelques centaines,
respectant le mot d’ordre du directoire de Fanmi Lavalas
allaient saluer la mémoire des victimes du massacre de la ruelle
Vaillant. A la tête de cette manifestation marchait la
coordonnatrice de Fanmi Lavalas, Maryse Narcisse, vu que ce jour
ramène le 26e anniversaire du massacre de citoyens qui allaient
remplir leur devoir civique avec leurs bulletins de vote en
main, à la ruelle Vaillant, à Port-au-Prince.
« Nous irons à la ruelle Vaillant pour déposer une gerbe de
fleurs à la mémoire des victimes du massacre du 29 novembre
1987. Ensuite, nous prendrons la direction du Champ de Mars pour
clore la marche »,
déclara-t-elle. Parmi les autres personnalités qui ont pris la
parole, on peut citer Joseph Joël John, Serge Jean-Louis, et
Claude Roumain. La coordonnatrice du parti Maryse Narcisse en a
profité pour demander
« Justice pour toutes les victimes du massacre de 1987, pour
toutes les victimes du choléra (…) jusqu’à ce que Lavalas
reprenne le pouvoir ».
Mais à qui demande-t-elle justice ? Comment se fait-il que ce
soit aujourd’hui que Lavalas se rappelle de ce massacre ? Est-ce
une façon d’entamer leur campagne électorale pour les élections
législatives que l’Union Européenne a décidé devoir avoir lieu
en Octobre 2014 et pour lesquelles elle est prête à débourser 5
millions de dollars? Voyez, c’est eux qui décident pour nous
autres. C’est eux qui nous gouvernent. C’est triste d’utiliser
des victimes d’une élection pour faire de la propagande
électorale.
Par ailleurs signalons que la Communauté internationale
applaudit des deux mains
le vote de la loi électorale par la chambre des députés le
mercredi 27 novembre 2013.
« Ce vote marque une étape importante pour l’organisation
d’élections inclusives, transparentes », selon les ambassadeurs
du Brésil, de la France, du Canada, de l’Espagne, des Etats-Unis
d’Amérique, l’Organisation des Etats américains (OEA) et l’Union
européenne.
Le pouvoir Martelly-Lamothe, en suivant les mots d’ordre de Fanmi
Lavalas, a également commémoré pour la première fois le 29
novembre. Martellystes et Lavalassiens partageaient les mêmes
idées. Au
Palais National, le président Michel Martelly, a honoré la
mémoire des victimes des évènements du 29 novembre 1987 à la
ruelle Vaillant en invitant Me Gérard Gourgue, Victor Benoit,
Hérard Abraham, Prosper Avril, Jacques Sampeur de Radio Télé
Antilles, Daniel Supplice et certains de ses conseillers roses.
La présidence en
parlant de cette journée dans un communiqué a indiqué que
« Cette rencontre a permis aux différents participants de
rappeler les circonstances ayant entouré ces évènements
sanglants et meurtriers. D’un témoignage à un autre, les
souvenirs ont ravivé des moments atroces dans la mémoire
collective. Ces témoins de l’histoire en ont profité pour
exposer leur compréhension des circonstances ayant conduit à ce
drame. Ils en ont profité pour formuler le vœu que le peuple
haïtien laisse derrière lui ce passé lugubre pour projeter dans
un avenir serein résolument tourné vers le développement durable
et la prospérité, dans un cadre participatif, avec pour boussole
le respect des principes cardinaux et démocratiques ».
Martelly à qui le peuple des rues demande de démissionner s’est
exprimé en ces termes devant ses invités de marque:
« C’est un devoir de mémoire que nous voulons remplir en
invitant, en ce jour mémorable, certains acteurs qui ont vécu
ces évènements sanglants ».
On se souvient également de l’assassinat de trois (3) jeunes aux
Gonaïves le 29 novembre 1985, lors de la mobilisation générale
qui avait abouti au renversement du dictateur Jean-Claude
Duvalier, le 7 février 1986. 21 mois après la chute de la
dictature des Duvalier qui ont passé 29 ans à terroriser le pays
avec la complicité des puissances occidentales ; le peuple
haïtien fut convoqué aux premières élections libres et
démocratiques. Les forces réactionnaires d’ici et d’ailleurs qui
voulaient maintenir le statu quo sont passées à l’action et ont
mis fin dès 10 heures du matin au scrutin par lequel les forces
démocratiques étaient sur la voie de renverser l’ordre des
choses.
L’armée
d’Haïti ayant à sa tête entre autres les généraux Henry Namphy
et William Regala étouffa dans l’œuf le rêve du peuple haïtien
de voir l’instauration d’un Etat démocratique en Haïti. Cet
appareil répressif d’Etat, vassalisé par le régime sanguinaire
des Duvalier était devenu un instrument de l’impérialiste
Nord-américain pour déstabiliser tout régime démocratique en
gestation dans la première République noire du monde.
26 ans après, où en est on? Quelle est la situation
actuelle d’Haïti ? Et que faire ?
26 ans après le massacre de la ruelle Vaillant, le
29 novembre 1987, une date inoubliable qui a marqué l’histoire
récente de la lutte pour la démocratie du peuple haïtien, la
démocratie est encore en danger avec cette fois encore à la tête
du pays, un régime anti-démocratique dirigé par l’équipe tètkale-kaletèt
deMartelly-Lamothe. Comme on le savait déjà, après 2 ans 6 mois
de l’installation de ce régime au timon des affaires, aucune
élection n’a été réalisée pour combler les postes vacants au
Sénat de la République et l’ensemble des dirigeants des
Collectivités Territoriales. De surcroît, toutes les autres
institutions républicaines sont totalement paralysées par des
crises récurrentes au niveau de la justice, la Cour Supérieure
des Comptes et du contentieux administratif, le Collège
Transitoire du Conseil Electoral Permanent, l’éducation entre
autres. La gestion anarchique, les actes arbitraires et illégaux
et la volonté manifeste de restaurer un régime fasciste dans le
pays ont soulevé la colère du peuple haïtien qui réclame le
départ inconditionnel de Michel Martelly, considéré comme un
étranger imposé par les forces impérialistes au peuple
haïtien.
C’est dans cette perspective que des forces démocratiques,
populaires et progressistes du pays se sont mises d’accord
autour d’une vaste mobilisation revendiquant des idéaux de
Dessalines pour mener le combat contre les forces
anti-changement qui détiennent 90% de richesses du pays. Les
masses populaires ont fini par constater qu’un un tel régime,
dont la marque fabrique est faite de propagandes mensongères, ne
défend guère leurs intérêts puisqu’il se met aveuglément au
service d’un petit groupe de riches et de
colons-occupants.
Face à cette situation qui tend à renforcer la
position de classe des masses populaires, les occupants ont
proposé la voie du dialogue pour essayer de trouver une issue
à la crise politique. Tandis que le peuple haïtien opte pour le
renforcement de la mobilisation en vue du renversement du régime kaletèt Martelly-Lamothe. Dans cet ordre d’idées, diverses
manifestations ont été déjà réalisées exigeant la démission du
président Martelly qui se met du côté de la classe dominante au
détriment de la classe exploitée. Les deux dernières
manifestations des 7 et 18 novembre dernier qui ont pris la
direction de Pétion-ville où résident la majorité de gens de la
classe possédante ont renforcé la lutte de classe dans la
société haïtienne, avec ce fameux slogan : « Desalin pral kay
Pétion ». A travers ce slogan, les vrais fils de Dessalines
exigeaient la répartition équitable des richesses du pays, la
justice sociale, le respect de leurs droits fondamentaux et la
démocratie participative. Alors que ceux de Pétion représentés
par l’équipe tètkale et ses supporteurs de la bourgeoisie qui
accaparent la grande majorité des richesses du pays avaient mis
en place une machine de répression politique contre les masses
populaires. A la manière de Dessalines, 207 ans après
l’assassinat du fondateur de la nation haïtienne, le peuple
haïtien revendiquant les idéaux de Dessalines veut que les
choses changent effectivement dans ce pays. C’est dans ce
contexte, une fois de plus, que le peuple haïtien, les fils de
Dessalines se sont donnés rendez-vous ce 29 novembre 2013 dans
les rues de la capitale, du Cap-Haïtien et dans d’autres
départements du pays pour continuer d’exiger le départ immédiat
de Michel Joseph Martelly à la tête du pays.
Nous ne pouvons confier aucune élection à un tel régime, alors
que certains secteurs lui demandent d’organiser des élections
libres crédibles et honnêtes. |