Dans la foulée de la
commémoration de la bataille de Verrières du 18 novembre 1803,
plusieurs dizaines de milliers de citoyens ont gagné les rues
tôt ce lundi 18 novembre 2013 pour réclamer le départ du dernier
apprenti dictateur de la Caraïbes, Michel Martelly qui a causé
tant de "malheurs au pays". Ce 18 novembre 1803, les va-nu-pieds
ayant à leur tête les généraux indigènes dont Capois Lamort,
Jean-Jacques Dessalines, Henry Christophe avaient mis en
déroute, comme on le sait, les forces françaises conduites par
Rochambeau dans une ultime bataille qui allait déboucher sur
l'indépendance d'Haïti, le 1er janvier 1804. Cette bataille, qui
s’est déroulée à Vertières, (entrée de la ville du Cap-Haitien)
allait mettre fin à St. Domingue à un système colonialiste des
plus rétrogrades du 19e siècle naissant.
Pour marquer cette date
charnière dans l'histoire d'Haïti, la première république nègre
du continent, les organisations politiques et populaires, dont
MOPOD (regroupement de partis politiques de l'opposition
démocratique radicale) et trois autres organisations de la
mouvance Lavalas: "Mouvman Gran Bèlè", "Fos Patriyotik pou Respe
Konstitisyon" (FOPAK) et "Mouvman Nasyonal Oganizasyon Popilè"
ont signifié leur refus au président Martelly qui entend diriger
le pays comme "son bien propre légué en héritage par ses
grands-parents".
Avec force et
détermination, plusieurs secteurs de la vie nationale ont marché
depuis le Centre-Ville jusqu'à Pétion-Ville en passant par
Delmas, malgré des jets de pierres qu'ils ont essuyés par moment
sur le parcours de la marche. A la rue Panaméricaine, des
blessés par balles et autres ont été recensés. A Pétion-Ville,
banlieue huppée sur les hauteurs et fief du président Martelly,
des partisans du pouvoir ont attaqué les manifestants. La police
a dû lancer des grenades lacrymogènes pour disperser la
manifestation. Les anti-Martelly ont dénoncé le vol, le
gaspillage, le népotisme, le trafic illicite de la drogue et
d'influence pratiqué au sein du régime qui promettait monts et
merveilles durant la campagne électorale.
L'un des sénateurs du Nord,
Moise Jean-Charles qui prenait part à cette manifestation a
demandé à l'Ambassadeur américain en Haïti de rapatrier son
compatriote Michel Martelly dans les heures qui suivent parce
qu'il n'est autre qu' "un cadavre politique". M. Martelly est
accusé par ses opposants politiques de détenir plusieurs
nationalités étrangères dont américaine. "Aujourd'hui, nous
annonçons la fin politique de Miche Martelly qui voulait se
comporter en dictateur, en plus de vouloir liquider les
richesses du pays" a indique le sénateur Jean-Charles au milieu
d'une foule compacte en liesse avec des slogans anti-Martelly.
Pour Me André Michel du
MOPOD qui participait à la marche, il s'agit d'un combat pour
améliorer le sort des masses rurales et urbaines, en particulier
les classes moyennes qui font les frais d'une politique absurde
de la part d'un pouvoir qui travaille au profit des nantis."
Martelly n'a plus sa place aux commandes des pouvoirs de
l'Etat", a-t-il renchéri
Assad Volcy, un militant
lavalas, n'y va pas par quatre chemins pour expliquer que la
présence des manifestants dans les rues, c'est juste pour
réclamer le départ de Martelly qui perpétue les intérêts de la
minorité au détriment des masses. "Dans le même temps, nous
souhaiterions écrire une nouvelle page d'histoire pour que
désormais nos fils et filles aient accès au service de base de
ce pays", a-t-il insisté.
Des pneus enflammés étaient
visibles sur la chaussée et des graffitis hostiles au chef de
l'Etat ont été remarqués un peu partout sur le parcours de la
manifestation. Une vive tension régnait la veille où des
partisans armés du régime voulaient intimider les habitants des
quartiers populaires. Trois personnes ont été froidement
abattues par des inconnus circulant à moto, dont deux à Delmas 2
et une autre à Delmas 18. D'après les informations recueillies
sur place, l'une des victimes prénommée Jackson serait un
militant lavalas. Dans la soirée du 16 novembre, des tirs
nourris ont été entendus dans le quartier de Bel-Air, lieu
retenu par excellence pour le démarrage de la marche anti
gouvernementale.
Dans la perspective d’un
18 novembre massivement célébré par l’opposition, le régime
Martelly-Lamothe avait procédé durant le week-end dernier à la
distribution d'importantes sommes d'argent à ses partisans dans
l'espoir de foirer la manifestation du 18 novembre. Rosemond
Jean, responsable d'une petite organisation qui dit défendre les
sociétaires victimes des coopératives en faillite (CONASOVIC),
avait appelé la population de Carrefour et des environs à
manifester pour soutenir le régime Martelly. Cette
contre-manifestation du pouvoir a avorté. Les éventuels
contre-manifestants ont réclamé leur dû avant même la tenue de
la manifestation. Ce qui n'a pas plu à Rosemond Jean qui a
failli laisser sa peau n’était-ce la vigilance d'une patrouille
policière. Il a pu s’échapper de justesse avec sa mallette qui
contenait du fric. Donc, en résumé, du côté du gouvernement la
pratique de «mobilisation» se résume à "Payer pour Manifester"
(PPM). Le pouvoir en place ne fait qu'acheter la conscience
d'une frange de la population au moyen de quelques gourdes. Il
n'a pas hésité à soudoyer des habitants des bidonvilles de
Jalousie en leur acheminant des produits de première nécessité
et d'autres promesses.
Même son de cloche au
Cap-Haitien où des débours considérables ont été consentis par
le trésor public pour financer les activités de la présidence et
de la Primature, à l’occasion du 18 novembre. La présidence a
surtout concentré ses activités dans la deuxième ville du pays
au pied du monument de Vertières où le chef de l'Etat a délivré
un message d’unité, mais teinté de provocation. Critiquant
vertement des leaders politiques de l'opposition, M. Martelly
qui a lancé un appel à l'unité du pays, ce lundi, croit qu'il
faut combattre les ennemis de la population qui sont entre
autres le chômage et la misère. Il a réclamé le respect de son
mandat, sans pour autant faire état des dizaines de milliers de
citoyens qui ont gagné les rues de la capitale.
Si toutes les festivités du
régime se sont déroulées sans trop grandes difficultés, la
manifestation programmée par les opposants au Cap-Haitien a été
étouffée dans l'œuf. Le début de manifestation de l’opposition a
été réprimé sauvagement par la police qui affiche de plus en
plus un comportement de miliciens [macoutes] à la solde du
régime. Le chef de la police du Cap, un partisan zélé du régime,
a passé des instructions à ses troupes pour disperser la
tentative de marche à coups de gaz lacrymogènes. Au moins six
personnes ont été blessées par balles dont certains sont dans un
état grave. Et la machine répressive gouvernementale s’est
aussitôt mise en marche. Près de trente personnes ont été
arrêtées dans les bidonvilles du Cap-Haïtien dans la nuit du 18
au 19 Novembre selon ce qu’a rapporté la responsable de
l’Institut mobile d’Education Démocratique (IMED), Kettly
Julien.
Parallèlement, durant le
week-end dernier, le Premier Ministre Laurent Lamothe s'était
rendu à Milot pour lancer un nouveau programme social du pouvoir
baptisé "Gouvènman an lakay ou" (Le gouvernement chez vous). Il
s'agissait d'un nouveau show en direct qui a nécessité la
présence de tout l'appareil gouvernemental (ministres,
secrétaires d'Etat, Directeurs généraux et autres) et la
quasi-totalité des medias réquisitionnés sur place pour
retransmettre cet évènement qui consiste à offrir à la
population de Milot et ses environs une boulangerie et deux
restaurants communautaires. Des millions de gourdes venant de la
Banque Centrale pour financer cette activité, alors que les
employés contractuels de la primature n'ont pas reçu leur
chèque depuis les mois d’Août et Septembre. Des fournisseurs de
la place, entre autres: "Clean Service", "Refricli" ont cessé
leur contrat de services à la Primature pour cause de
non-paiement. Une autre compagnie réquisitionnée pour le service
de maintenance du groupe électrogène qui alimente les locaux du
gouvernement a dû discontinuer ses services après huit mois de
bordereaux impayés.
C'est dans cette ambiance
malsaine de corruption et de gabegie administrative que la
Communauté internationale a enjoint les secteurs démocratiques
de négocier avec le régime Martelly qui continue de faire fi des
revendications du peuple haïtien et qui a procédé à une vaste
entreprise de vassalisation des institutions républicaines. Au
lieu d'utiliser les structures étatiques pour venir en aide aux
différentes populations du pays, le Chef de l'Etat préfère
mettre sur pied des structures parallèles gérées par ses proches
pour subtiliser les fonds de l'Etat. Les projets "Gouvènman
lakay ou" PSUPGO, "Ti manman chérie", "Katye pa m poze", « Aba
Grangou », « Kore Pèp » etc, ne sont qu'une couverture pour
permettre aux tenants du pouvoir de dilapider les caisses de
l'Etat, tout en faisant croire aux plus démunis qu'ils
travaillent en leur faveur. Il s'agit d'un véritable marché de
dupes que seul le renversement du régime peut arrêter.
Pourtant, il y a un secteur de l'opposition de la mouvance
«socialiste» (Fusion, OPL, KID) qui a choisi de négocier avec
Martelly dans l'espoir d'obtenir un poste ministériel,
d'ambassadeur, ou de direction générale. Démocratie, que de
crimes on commet en ton nom!
Le rendez-vous pour la
prochaine manifestation est fixé pour le vendredi 29 Novembre
date qui rappelle le massacre de la ruelle Vaillant. Dessalines
va en ce jour visiter l’oncle Sam car la manifestation aura lieu
devant l’ambassade américaine ou ils vont demander aux
américains de reprendre leur colis embarrassant qui est
maintenant un cadavre politique selon les déclarations faites à
la presse par le sénateur du Nord Moise Jean Charles.
Jacques Kolo Pierre |