Une
fois de plus, le président, Michel Joseph Martelly est en
rébellion avec la loi du pays. L’article 136 de la loi mère de
la République fait obligation au chef de l’Etat de veiller au
respect, à l’exécution de la constitution et à la stabilité des
institutions. Et, de plus il doit assurer le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat.
Depuis l’accession de Sweet Micky à la tête du pays avec la
complicité des grandes puissances impérialistes et leurs
instruments sur le terrain tels : la MINUSTAH, l’ONU, l’OEA,
l’Union Européenne et autres, les lois de la République sont
foulées aux pieds et les institutions républicaines frappées
d’instabilité chronique.
Depuis plus de deux ans,
les élections ne peuvent se réaliser et l’institution
électorale chargé d’organiser les élections est en passe de
scission. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) est
vassalisé, il ne peut pas en toute indépendante veiller à
l’application de la loi et au fonctionnement régulier de
l’appareil judiciaire. Le Pouvoir législatif qui exerce le
contrôle politique du Pouvoir exécutif est menacé de dissolution
au début de l’année prochaine, faute de réalisation des
élections à temps et à cause des velléités du président Martelly
d’instaurer un régime totalitaire contre le peuple haïtien.
Dans la même
logique de déstabiliser et de rendre dysfonctionnel les
institutions du pays, la Cour Supérieure des Comptes et du
Contentieux administratif (CSC/CA) chargée d’exercer le contrôle
administratif et juridictionnel des recettes et des dépenses de
l’Etat, de la vérification de la comptabilité des entreprises de
l’Etat ainsi que celles des Collectivités Territoriales se
trouvent dans une situation irrégulière depuis le premier
octobre 2013. Le mandat de dix (10) ans des membres de cette
Cour est arrivé à terme depuis le mois juillet 2013. Selon la
constitution haïtienne de 1987, la prérogative d’élire les dix
(10) membres de cette juridiction de contrôle financier et
administratif revient exclusivement au Sénat de la République. «
Les candidats à cette fonction font directement le dépôt de leur
candidature au bureau du Sénat de la République. Le Sénat élit
les dix (10) membres de la Cour, qui parmi eux désignent leurs
président et vice-président. » Ainsi Stipule l’article 200-6 de
la constitution. Il est clair que le Pouvoir exécutif n’a aucun
rôle à jouer dans le processus d’élire les membres de la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, à part
la promulgation de ses membres au Journal Officiel, Le Moniteur.
Depuis Avril 2013, le Sénat
a entamé le processus de choisir les membres de cette Cour. 105
personnes ont fait le dépôt de leur candidature au bureau du
Sénat. Une Commission sénatoriale présidée par le sénateur,
Stevens Irvenson Benoît a été formée pour analyser les dossiers.
Après une première analyse, la commission a retenu 20 noms et
finalement l’assemblée des sénateurs a élu dix (10) membres de
la Cour, depuis le début du mois de Septembre 2013. La Cour est
ainsi composée de: Fritz Robert St-Paul, Jean Ariel Joseph,
Juste Monprévil, Marie France Mondésir, Méhu Mélius Garçon,
Neltha Marie Féthière, Rogavil Boisguene, Volmar Desmesyeux,
Nonie Henriette Mathieu et Arol Elie. Ces deux derniers ont été
reconduits pour éviter toute rupture au sein de la Cour.
Le président Martelly s’est
mis en face de cette décision. Il n’a jamais fait publier la
liste des membres de la Cour dans le Journal Officiel, Le
Moniteur, leur permettant de prêter serment et d’entrer en
fonction pour faire le travail de contrôle que la loi leur
confie. Face au refus du président de se soumettre à la rigueur
de la loi, le président du Sénat, Simon Dieuseul Desras s’est
fait le devoir d’adresser une correspondance au président Michel
Martelly pour lui rappeler la tâche que lui confère la
constitution en cette matière et l’encourage à faire promulguer
les noms des nouveaux membres de la Cour au Journal Officiel.
Voici donc la
teneur de cette lettre :
« Monsieur le Président de
la République,
Je m'empresse d'accuser
réception de votre correspondance référencée PN/MJM/ygi/837 et
datée du 30 septembre 2013 par laquelle vous informez le Sénat
qu'en votre qualité de Chef du Pouvoir exécutif « chargé de
veiller au respect et à l'exécution de la Constitution et au
fonctionnement régulier des pouvoirs publics», vous avez décidé
de mettre sur pied une commission de vetting afin de vous
assurer de l'intégrité du processus qui a conduit à la «
nomination » des Conseillers et de la moralité de ces
derniers.
«J'ai noté également que
vous avez fixé au 16 juillet 2013 la fin du mandat des
Conseillers de la Cour supérieure des comptes et du contentieux
administratif (CSC/CA).
«Je tiens à vous faire
remarquer que les Conseillers ne sont pas nommés mais élus par
le Sénat en vertu d'une attribution constitutionnelle prescrite
à l'article 200-6 de la Constitution de 1987 amendée. De plus,
conformément à l'article 60 du décret du 23 novembre 2005
portant organisation et fonctionnement de la CSC/CA, le
processus devant conduire au renouvellement du mandat des
conseillers débute à partir du 1er avril et s'échelonne sur une
période de six (6) mois qui s'achève le 30 septembre. Il est
donc clair que ce décret est l'instrument qui régularise une
fois pour toutes le mandat du nouveau conseil de la CSC/CA et
qui le fait coïncider avec l'ouverture de l'année fiscale et
administrative, soit le 1er octobre 2013.
«A cet égard, il
convient de souligner à votre haute attention que le Sénat de la
République a respecté scrupuleusement les délais impartis par
les articles 60 et 61 dudit décret pour avoir lancé l'appel à
candidatures depuis le mois d'avril 2013 et fait parvenir à la
présidence le 4 septembre 2013 la liste des dix (10) nouveaux
Conseillers élus aux termes de l'article 200-6 de la
Constitution amendée.
«Par ailleurs, il est
indéniable, comme vous l'admettez, que les Conseillers des Cours
des comptes dans la famille romano-germanique à laquelle
appartient le système juridique haïtien sont des juges
administratifs. Néanmoins, les Conseillers de la CSC/CA ne sont
pas des juges nommés près les tribunaux et cours de la
République, comme vous l'avez relaté dans votre lettre. Ils sont
plutôt des juges élus par le Sénat de la République.
«A ce compte, je tiens à
vous faire part de la consternation des sénateurs de la
République de lire que la présidence décide de former une
commission de vetting pour s'assurer de l'intégrité du processus
qui a conduit à l'élection de ces juges. Ce paragraphe de votre
correspondance constitue une insulte cinglante vis-à-vis des
membres de la Commission sénatoriale qui ont conduit l'enquête
et de tous les sénateurs qui ont voté, en plus d'être un affront
aux institutions démocratiques. Il s'agit là d'une violation
flagrante et caractérisée de la Constitution qui stipule en ses
articles 60 et 60-1 que «[c]chaque pouvoir est indépendant des
deux autres dans ses attributions qu'il exerce séparément et
qu'[a]aucun d'eux ne peut, sous aucun motif, déléguer ses
attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui lui
sont fixées par la Constitution et par la loi ». D'autant plus
que la Constitution prescrit à l'article 150 que le président de
la République n'a d'autres pouvoirs que ceux qui lui sont
expressément attribués par la Constitution.
«Il n'est pas inutile de
vous faire remarquer que la Constitution ne reconnaît au
président de la République que deux seules décisions
personnelles et unilatérales, et encore: la convocation à
l'extraordinaire du Parlement et l'arrêté de nomination du
Premier ministre; toutes autres décisions sont concertées,
consensuelles et contresignées.
«Ainsi donc, aucune
disposition constitutionnelle ne vous autorise à refuser de
façon discrétionnaire de publier la liste des Conseillers de la CSC/CA régulièrement élus par le Sénat en vertu de l'article
200-6 de la Constitution, à vous immiscer dans le fonctionnement
interne du Parlement et à juger de l'intégrité d'un processus
conduit par des sénateurs.
«Aussi, je vous exhorte à
promulguer et à publier la liste des membres élus de la CSC/CA,
et ce, dans le plus bref délai afin d'éviter que les Conseillers
restant en poste au-delà de la fin de leur mandat, soit le 30
septembre à minuit, ne soient accusés d'usurpation de titre et
passibles de la Haute Cour de justice, ainsi que tous ceux qui,
à un titre ou à un autre, seraient tentés de cautionner un tel
état de chose.
«Je saisis l'occasion pour
vous renouveler, Monsieur le Président de la République,
l'expression de mes sentiments patriotiques.»
Simon Dieuseul Desras, Av. Président
Définitivement, il est
clair pour tout le monde, que le Pouvoir exécutif ayant à sa
tête Michel Joseph Martelly et son équipe refusent
catégoriquement de respecter et de faire respecter les lois de
la République. Il s’amuse à anéantir toutes les instances de
contrôle de ce pouvoir, notamment le Parlement et la Cour
Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif. Le
premier octobre 2013, les nouveaux de la Cour devraient entrer
en fonction, à l’occasion de l’ouverture de l’exercice fiscal
2013-2014. Les membres de l’instance de contrôle administratif
de la gestion des fonds de l’Etat et des Collectivités
Territoriales sont dans une situation irrégulière. Ils ne
peuvent pas approuver les engagements de l’Etat par des contrats
avec ses partenaires sous peine d’être jugés par la haute Cour
de justice. S’achemine-t-on vers le démantèlement des
institutions républicaines par le pouvoir pour pouvoir diriger
par décret et sans aucune forme de contrôle des deniers publics
?
Le peuple haïtien dans sa plus grande majorité a
déjà exprimé par des manifestations pacifiques son désaccord
avec ce projet. Il exige le départ inconditionnel du président
Martelly et son équipe pour violation flagrante de la
constitution. Le Sénat a voté la demande de mise en accusation
du chef de l’Etat. Il revient à la Chambre des députés de se
prononcer sur la mise en accusation. Des organisations
populaires proposent la formation d’un gouvernement provisoire
démocratique coiffé par un Conseil d’Etat représentant tous les
secteurs de la vie nationale pour assurer la transition et
procéder à l’organisation des élections libres dans le délai
constitutionnel. |