Le 30 septembre 2013, le
22e anniversaire du coup d'Etat de 1991 contre le président
Jean-Bertrand Aristide, des dizaines de milliers de manifestants
ont envahi les rues de Port-au-Prince et Cap Haïtien pour
demander deux choses: "Martelly doit s’en aller! La MINUSTAH
doit partir! "
Informés de cet
ordre du jour, la veille plus de 100 délégués représentant
environ deux douzaines de différentes organisations populaires
de tous les dix départements d'Haïti se sont réunis au centre
d'accueil Fany Villa à Port-au-Prince pour réfléchir et débattre
sur une proposition de la manière à former un gouvernement
provisoire qui pourrait conduire le pays à des élections libres,
justes et souveraines après le départ de Martelly du pouvoir ;
ce que tous les délégués ont estimé arriveraient dans les jours
à venir, d'une façon ou d'une autre.
La proposition
a été faite par la Coordination Dessalines (KOD), une nouvelle
formation dirigée par plusieurs anciens combattants de premier
plan dans la lutte démocratique en Haïti au cours des 25
dernières années.
« Nous
sommes sûrs que l'ambassade américaine a fait ses plans pour
savoir quoi faire après que le peuple haïtien aura chassé
Martelly et [le Premier ministre Laurent] Lamothe du pouvoir
», a déclaré un chef de KOD, Yves Pierre-Louis, qui également
dirige le bureau d’Haïti Liberté à Port-au-Prince. «
Le peuple haïtien doit également travailler sur un plan de
sorte que Washington, Paris et Ottawa ne soient plus capables
de nous imposer une autre marionnette,, comme ils l'ont fait si
souvent au cours des deux dernières décennies ».
L'essence de la
proposition de KOD est la formation d'un Conseil d'Etat de 13
membres qui conduirait le pays avec un juge tiré de la Cour
suprême d'Haïti. Les membres du Conseil de l'Etat seraient tirés
de secteurs clés de la société haïtienne: les organisations
paysannes, les organisations populaires, les partis politiques,
les partis non-alignés, les organisations de femmes, les
syndicats, le secteur des affaires, les secteurs vodouisants,
protestants, et catholique, des étudiants, des jeunes, et la
société civile.
« Le Conseil
d'Etat aurait à s'asseoir avec le juge de la Cour suprême pour
trouver une formule démocratique de nommer un gouvernement
», lit-on dans la proposition de la KOD. « Que le
gouvernement mettrait en place un Conseil électoral provisoire
démocratique qui tiendra des élections générales dans le pays
pour tous les postes vacants dans un délai ne dépassant pas six
mois ».
KOD a proposé
que Haïti ne devrait accepter aucun financement international
pour les élections qui viennent après le départ de Martelly. «
Nous n'aurons pas à refuser » automatiquement toute
solidarité venant de tous pays, « mais à conditions qu’ils
s’abstiennent à s'immiscer dans les affaires intérieures
d'Haïti », d’après la proposition. « Ils peuvent apporter
leur soutien, mais sans aucune condition ».
Dans la même
veine, la proposition appelle pour les 9.000 troupes
d'occupation de la Mission des Nations Unies pour stabiliser
Haïti (MINUSTAH) de quitter le pays immédiatement. « Le
dernier soldat de la MINUSTAH doit quitter le pays au plus tard
en mai 2014, comme le Sénat a déjà demandé dans sa résolution
», a déclaré la proposition.
KOD travaille
avec un grand nombre d'organisations populaires qui ont
également contribué à l'organisation du Forum populaire comme le
Mouvement National pour la Liberté, Egalité, Fraternité des
Haïtiens (MOLEGHAF), la Force patriotique pour le respect de la
Constitution (FOPARK), la Plate-forme nationale populaire (PNP),
le Mouvement pour la survie de la société haïtienne (MOSSOH),
l'Organisation des jeunes progressistes de l'avenue Pouplar (OJPAP),
l'Organisation pour le progrès national (OPNA), l'Espace de
grande réflexion pour l'intégration sociale (GERES), Militan
Reveye pou yon lòt Ayiti (MRH), et l'Assemblée populaire pour le
changement à La Saline (RPCS).
De nombreuses
organisations des départements d'Haïti ont également envoyé des
délégués au Forum, y compris des groupes comme l'Organisation
des Jeunes Patriotes pour le développement de Baradères (OPDB),
la Ligue de la jeunesse progressiste de Grande Rivière du Nord,
Pòt la de l'Artibonite, le Mouvement révolutionnaire pour le
développement du Nord-Ouest (MRDNO), et OPDSIC de la Grande
Anse.
Il y avait
également des délégués internationaux qui ont assisté au
lancement du Comité Visite Haïti Guadeloupe et le Réseau
international pour soutenir Haïti aux États-Unis et
l'organisation des Travailleurs et paysans de Guadeloupe. Des
messages de solidarité ont également été envoyés par les
syndicats et les partis au Brésil et en Argentine.
La réunion
était présidée par deux autres dirigeants de la KOD, Oxygène
David et Pierre Michaël, qui ont maintenu la réunion à un
vitesse efficace. Biwon Odigé de FOPARK, dont l'organisation a
initié l'appel pour la manifestation énorme du 30 septembre, a
également partagé le podium.
« Dans
l'ensemble, les délégués ont accueilli et bien reçu la
proposition de KOD qui a été présentée au début de la journée
», a déclaré un autre responsable de KOD, Mario Joseph, un
des plus éminents avocats spécialistes des droits de l'homme en
Haïti, dans une conférence de presse le 1er octobre
au Bureau des avocats internationaux (BAI). « Les délégués se
sont divisés en huit ateliers qui se sont réunis pendant près de
deux heures pour analyser la proposition. Ensuite, chaque
atelier a présenté un résumé des réflexions sur la façon de
renforcer et d'enrichir la proposition. Dans les prochains
jours, un comité de synthèse examinera les rapports de chaque
atelier pour élaborer une résolution finale. Toutes les
organisations populaires qui approuvent la résolution finale
pourront la signer, même si il y a certains qui n'ont pas pu
participer au Forum Populaire du 29 septembre ».
Comme on doit
s’y attendre à n’importe quelle initiative révolutionnaire, il y
avait une petite provocation vers la fin de la réunion. C’est
qu’un certain « Ingénieur Dounnaxient Bastien » a créé un petit
désordre, en levant sa voix et frappant des tables, quand il a
estimé que les organisateurs du Forum n’ont pas entendu son
point de vue, bien qu’il a participé dans un atelier. D’après
des sources dans la salle, il semble qu’il fait partie du Comité
de Suivi attaché à la Coordination Départementale de l’Ouest du
parti Fanmi Lavalas. Clairement , il a voulu déranger la
réunion, et on peut se demander s’il a fait cette tapage
impuissante à son propre chef, parce que objectivement, c’était
une interruption que Martelly aurait applaudie.
L’avocat André
Michel, qui a été violemment persécuté pour intenter un procès
de corruption contre le gouvernement de Martelly, a également
participé au Forum, comme l'a fait le sénateur Moïse
Jean-Charles, qui a électrisé la salle avec son adresse.
«
Aujourd'hui, nous allons essayer, même si nous n'avons que peu
de temps, d'apporter un peu de lumière à la bataille que nous
menons en tant que militants politiques », a déclaré le
sénateur Moïse. « Nous sommes clairs à ce sujet: la
communauté internationale a un agenda pour Haïti. En 1990, nous
avons détraqué leurs plans et élu notre propre gouvernement.
Sept mois plus tard, ils ont mené un coup d'État sanglant.
Depuis lors, ce sont eux qui ont imposé ce qu'ils veulent en
Haïti. Cela ne peut pas continuer. Ils ont imposé Président
Martelly sur nous. Ils ont imposé Laurent Lamothe sur nous ....
C'est nous, le peuple haïtien, qui devons prendre notre destin
en main. Et c'est ce que nous commençons à faire ici aujourd'hui
».
« La conclusion
de la proposition de la KOD est instructive et des extraits ont
fait une conclusion appropriée pour ce reportage: Il est plus
que certain que le gouvernement haïtien ainsi que les
institutions internationales dont Washington, Paris, Ottawa et
autres
Vont s’opposer à cette résolution typiquement nationale ;
surtout quand elle est venue des masses populaires qu’elles
n’ont jamais digérées. Dans ce cas, il faut que le peuple soit
prêt à défendre ce qu’il venait d’accoucher, sachant au
préalable que leurs voix ne vont point être entendues et
respectées. Ce que nous venons de proposer est démocratique,
authentique, honnête puisque émanant d’un esprit souverain, tout
à fait différend des manœuvres auxquelles les colonialistes nous
ont trop longtemps habituées. L’heure pour nous de suspendre à
recevoir des ordres est enfin venue pleinement pour nous. C’est
la voie unique de construire notre propre démocratie parce nous
sommes peuple d’un pays souverain, non colonisé, maîtres de
nous-mêmes, désormais, capables d’affirmer comme Thomas Sankara :
« Osons nous mêmes d’inventer notre avenir » |