par Jose Clément
Rien que du
bluff! La comparution à la Cour d’Appel de l’ex despote haïtien,
Jean-Claude Duvalier, n’est autre qu’une mise en scène
effrayante après qu’il eut été blanchi, le 30 janvier 2012, par
le juge d’Instruction Carvès Jean pour crimes contre l’humanité.
Il s’agit d’un montage scandaleux de la part de M. Martelly qui
veut à tout prix réhabiliter politiquement Jean-Claude Duvalier
qui a dirigé le pays d’une main de fer de 1971 à 1986.
Des centaines
de milliers d’opposants au dictateur déchu de l’époque ont été
tués ou portés disparus, selon des organismes internationaux de
droits humains. Les Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN)
communément appelés “les tontons macoutes” devenus le véritable
fer de lance de la machine à broyer du régime sanguinaire,
avaient fait croupir de nombreuses victimes innocentes dans les
geôles de Fort-Dimanche, du Pénitencier National, des Casernes
Dessalines, et de la Police de Port-au-Prince, etc.…
C’est un
véritable scandale aux yeux du monde national et international
quant à l’attitude d’un système judiciaire trop partial dans un
pays en proie à la violence systématique où la loi du plus fort
domine. La passivité avec laquelle la société réagit au dossier
de Duvalier s’apparente à un “Oscar” qui lui a été remis en
signe d’excellence pour les torts et dommages causés à
l’ensemble de la société dont certains sont jusqu’ici
irréparables. Car chaque crime resté impuni ouvre déjà la voie à
un autre.
Pourquoi
persister à vouloir ressusciter un régime qui est la négation
même de l’Etat de droit, de la liberté d’expression, de la
parole, de la pensée et de la démocratie participative ?
Vingt-neuf (29) années de pouvoir discrétionnaire et sans
partage pendant lesquelles une véritable paix de cimetière
s’était installée dans les esprits et dans les cœurs des
haïtiens épris de justice et de liberté. Pourquoi vouloir
réhabiliter Jean-Claude Duvalier qui est resté égal à lui-même
dans une arrogance sans vergogne et démesurée? Un homme qui n’a
jamais eu l’idée de demander pardon au peuple haïtien pour les
méfaits de son régime. Au contraire, il s’est arrogé le droit,
en plein tribunal, de demander: "qu’avez-vous fait de mon
pays.” Comme si Haïti était et est encore le sien propre et
comme s’il avait fait d’Haïti un pôle important de développement
économique et social dans la Caraïbe, durant son régime. La
kleptocratie qu’il dirigeait a laissé un pays avec une économie
exsangue et une population dont la majorité ne savait ni lire ni
écrire. “We are still cleaning your mess, Mr. Duvalier”, en
guise de réponse à celui qui a fait de notre pays un tombeau à
ciel ouvert et une “République bananière”.
En fait, le
processus de réhabilitation de Jean-Claude Duvalier était déjà
enclenché. Puisque nombre de gouvernements qui se sont succédés
au pouvoir post 1986, n’ont rien fait pour juger Duvalier en
Haïti et fixer sa responsabilité dans de nombreux massacres de
citoyens accusés d’appartenir au mouvement communiste ou
d’atteinte à la Sûreté de l’Etat”. Ce procès, à travers l’ex
président à Vie, devrait être celui de tout le régime
obscurantiste qui a noyé dans le sang toute tentative visant à
instaurer un régime démocratique dans le pays. Il est du devoir
moral des haïtiens de connaître enfin “qui était qui et qui
faisait quoi” à cette époque. En guise de dédommagement aux
victimes, la population se sentirait au moins soulagée de
connaître enfin la vérité sur une tranche d’histoire récente de
ce pays. Les juifs n’ont pas flirté avec les criminels nazis.
Pourquoi les Haïtiens flirteraient-ils avec leurs bourreaux?
Plus près de
nous, en Argentine, le dernier dictateur de ce pays d’Amérique
du Sud, Reynaldo Bignone, 85 ans, a été condamné le 14 avril
2011 à la prison à perpétuité pour “violations des droits de
l’homme” par le tribunal de San Martin au Nord de Buenos Aires.
30 mille de ses opposants politiques sont morts ou portés
disparus, durant son règne 1982-1983. Depuis l’annulation des
lois d’amnistie en 1985 par l’ex président Nestor Kirchner, plus
de 200 dirigeants du régime et 800 militaires et policiers font
toujours l’objet de poursuites (AFP/ le Monde). En 2010, il
avait déjà été condamné à 25 ans de prison pour “privation
illégale de liberté et tortures sur des prisonniers politiques
pendant la dictature militaire de 1976 à 1983.
La liste serait bien
longue de tous les dictateurs déchus qui ont été jugés un peu
partout dans le monde, notamment en Amérique du Sud et en
Amérique Latine. Même si la justice argentine a attendu environ
27 ans pour venir à bout de ce dictateur coriace. On peut
attendre longtemps et très longtemps encore. Mais la justice
aura, quand même un jour, raison de Jean-Claude Duvalier. C’est,
du moins, ce qu’il faut raisonnablement espérer.
Dans le temps,
la première tentative de faire juger Duvalier en France remonte
à 1986 lorsque l’Etat haïtien a engagé un avocat français,
Jacques Sales pour poursuivre le dictateur. La justice française
n’avait pas pris de décision sérieuse arguant qu’il fallait le
juger d’abord dans son pays d’origine où les faits lui ont été
reprochés. Malgré des preuves irréfutables de l’avocat relatives
au détournement de 400 millions de dollars US entre 1981 à 1985
des caisses de l’Etat haïtien par Duvalier fils, le dossier n’a
jusqu’ici pas été suivi d’effet. Il a, en compagnie de sa femme,
littéralement dilapidé les caisses de l’Etat notamment La Régie
du Tabac, la Téléco et certains Ministères. En plus des châteaux
achetés en France et des appartements à New-York et en Floride,
Duvalier fils faisait payer ses effets personnels au frais de
l’Etat. Il se la coulait douce dans une République familiale où
la mauvaise situation sociale et économique a poussé à partir
dès 1980, bon nombre de citoyens à prendre le chemin de la mer
sur de frêles embarcations pour atteindre les côtes des Bahamas
et de la Floride, en particulier
Autre élément à
l’appui de cette thèse, en plus d’une voiture officielle mise à
la disposition du dictateur et sécurité accordée au même titre
qu’un ancien président, l’octroi d’un passeport diplomatique à
M. Duvalier prouve encore une fois que l’Etat haïtien, à travers
le gouvernement en place, fait fi des revendications de la
population en ce qui a trait au jugement de ce dernier. L’Etat
haïtien garant de la stabilité des vies et des biens et de la
chose publique a pris fait et cause pour Duvalier dans un
dossier aussi problématique. Le gouvernement cherche à couvrir
les crimes de Duvalier et à ridiculiser la population. Ce fait
rappelle étrangement et paradoxalement l’implication du
gouvernement extrémiste Rwandais, à majorité Hutu dans le
massacre des Tutsi du 6 avril au 14 juillet 1994, sur fond de
nettoyage ethnique. Les massacreurs Tutsi ont reçu le soutien de
la radio et de la télévision (“Les Mille Collines”, “Radio Hutu
Power” communément appelées les “Médias de la haine”) dans leurs
basses œuvres.
Parallèlement
en Haïti, certains médias conservateurs (privé et public) à la
solde d’une certaine classe sociale spécialisée dans une
entreprise malsaine de destruction de la mémoire collective ont
commencé à préparer le terrain pour la réhabilitation politique
de Jean-Claude Duvalier. En l’an 2013, il y a déjà un
conditionnement des esprits et des cœurs dans l’objectif certain
d’arriver à une guerre fratricide dans le pays. Raison d’Etat
oblige! Puisque l’Etat est non seulement incapable de fournir
des services de base à la population, mais en plus, investit
dans une entreprise de déstabilisation de la Nation à travers
une campagne de propagande tous azimuts aux fins de semer la
confusion au sein de la famille haïtienne. L’objectif est donc
d’arriver à garder le pouvoir politique par tous les moyens même
au prix du sang. Les nominations dans des postes clés dans
l’Administration des fils notoires de la vieille garde
duvaliériste prouve que nous sommes en face d’un gouvernement
extrémiste irresponsable qui cherche à narguer toute une
population en réveillant les vieux démons de la dictature.
Il est évident
que la population ne peut pas se payer le luxe de jouer au Ponce
Pilate dans un dossier aussi déterminant dans le cadre de la
construction d’un Etat de droit et de l’avènement d’une
démocratie véritable. Il n’y a pas de réconciliation sans
pardon. Et Le pardon ne peut se faire sur la base d’impunité.
Même si la société haïtienne est en phase de déclin, il faut
encore interpeller sinon réveiller la conscience des citoyens
intègres avant qu’Il ne soit trop tard. Il faut inévitablement,
au nom de la morale collective publique et de la conscience
critique, faire échec au statut quo ante à travers la
construction d’une alternative démocratique viable capable de
transformer l’Etat et la Nation. Ceci requiert la mise en commun
des efforts de tous les démocrates authentiques.
Il y a une raison d’Etat pour le président Martelly
à ne pas être trop enclin à faire juger Duvalier. On peut le
comprendre. Le chef de l’Etat et sa clique ne peuvent scier
l’arbre sur lequel ils sont assis, puisque redevance politique
oblige! Même si c’est au détriment de la nation entière. Quelque
se chose se trame contre la République. Alors, seuls les hauts
responsables peuvent nous le dire. Un chambardement social et
politique de grande envergure est en préparation au profit d’un
pays tiers. Les collabos ne sont qu’en service commandé! |