Ce 18 Mai 2012 ramenait le
209e anniversaire du bicolore haïtien. En cette occasion
diverses activités ont été réalisées pour marquer cette date, en
dépit de la présence des forces d’occupation de l’ONU, il y a
déjà 8 longues années. En plus des cérémonies officielles qui
s’étaient déroulées à l’Arcahaie, la cité du drapeau, à
Port-au-Prince les élèves de différents établissements scolaires
ont effectué des parades dans les rues.
A l’Arcahaie,
les autorités du pays ont participé à différentes phases des
cérémonies habituelles telles : la montée du drapeau sur la
place publique, la célébration de la messe solennelle, le dépôt
d’une gerbe de fleurs et enfin les déclarations officielles. A
l’église catholique Saint Pierre de l’Arcahaie, le célébrant
officiel, le curé de la paroisse, père Julien Estiverne, a
rappelé le sens du symbolisme du drapeau autour duquel tous les
Haïtiens sont unis. L’Archevêque de Port-au-Prince, Guire
Poulard dans son homélie de circonstance a mis l’accent sur
l’importance de l’unité, comme ce fut le temps de la création du
drapeau en vue de donner une autre image à la première
République noire.
Suite au Te
Deum traditionnel, le président Martelly accompagné de sa femme,
Sophia, les représentants des autres pouvoirs ont déposé une
gerbe de fleurs aux pieds du monument de l’Empereur, Jean
Jacques Dessalines et de Catherine Flon, où ils ont observé une
minute de recueillement en leur mémoire.
Sur la place de la cité du drapeau, au cours de la dernière
phase de la commémoration du bicolore haïtien, les autorités
locales, centrales et universitaires dans leurs discours, n’ont
pas réellement mis l’accent sur la portée historique de cet
événement de haute importance qui a conduit le pays à moins de
deux (2) mois plus tard à l’épopée du premier Janvier 1804. A
l’exception du discours du recteur de l’Université d’Etat
d’Haïti (UEH), le professeur, Jean Vernet Henry qui a plaidé en
faveur de l’indépendance et la reconquête de la souveraineté
nationale ; les autorités centrales et locales, elles-mêmes se
confinent toujours dans des discours démagogiques de l’unité et
de « l’éducation gratuite ».
Le président
Martelly, dans son message a évoqué la nécessité de continuer la
bataille selon sa propre vision en recherchant l’unité par
devoir, au nom du respect de nos ancêtres et d’offrir une «
éducation gratuite » en fonction de l’urgence de la
reconstruction d’Haïti «Le 18 mai 1803, ici même à l'Arcahaie,
l’aiguille de Catherine Flon a matérialisé l'union des enfants
d'Haïti, ce rêve sublime qu'avaient nos ancêtres pour maintenir
et consolider notre existence en tant qu'État-Nation. C'est vrai
que les conflits nous ont fait perdre la route qui était tracée
pour nous permettre d’avancer, malgré tout, chaque fois que
l’heure est grave, le rassemblement nous a menés sur le bon
chemin, le chemin de la victoire. C'est le Président Estimé qui
faisait chanter aux écoliers haïtiens « effaçons la tutelle
financière, payons les 5 millions »... Les centimes recueillis
de nos élèves avaient grandement contribué à la libération
financière que nous avons connue à l'époque. C'est dans cette
idée, de la même façon que le Président Estimé, que j'ai demandé
au peuple haïtien, à la diaspora de m'aider à créer le Fonds
National pour l'Éducation (FNE) ».
La
commémoration du drapeau haïtien s’associe toujours avec la fête
de l’Université d’Etat d’Haïti. C’était dans ce contexte que le
recteur, Jean Vernet Henry a profité de l’occasion pour placer
quelques mots qui n’étaient pas passés par quatre chemins pour
situer cette célébration dans une conjoncture d’occupation et de
dépendance étrangère. « Notre pays vit aujourd’hui sous un
régime spécial d’occupation étrangère qui justifie sa légitimité
par notre appartenance aux Nations Unies. Une souveraineté mise
à mal, avilie et bafouée. Cette occupation de fait, tant qu’elle
dure, constitue un handicap sérieux à la mise en commun des
idées des différents groupes de notre société. Le rôle d’arbitre
des occupants lourdement armés attise nos difficultés, en raison
de la durée, de leurs puissants intérêts sous-jacents, leur
présence et du cortège de malheurs qu’ils engendrent.
(Criminalité, propagation de maladie, jusque-là inconnue chez
nous).
Eu
égard à la mission confiée à l’Université haïtienne d’être
gardienne du culte des valeurs de base de notre existence de
peuple doit être rappelé, enseigné et célébré, il nous revient
de lancer l’appel à leur récupération, l’appel au recouvrement
de notre souveraineté nationale. La souveraineté est un acquis,
un bien essentiel dans la mise en œuvre et la matérialisation
d’actes de changements de condition sociale et culturelle, dans
les rapports avec autrui et d’autres peuples. La société
haïtienne ne peut pas avancer vers l’émergence de solutions à
ses malheurs si elle persiste à demeurer dans cette situation de
dépendance aveugle.
De
nos jours, même quand on parle d’interdépendance, cette
interdépendance ne doit pas remettre en question les bases, les
valeurs et les fondements d’une nation. Les Universitaires
haïtiens n’ont jamais cessé de produire des études sur des
alternatives pour la concrétisation de nos idéaux majeurs. Une
pensée existe, elle s’articule et s’harmonise. Il faut
reconnaître que dans certaines circonstances, elle s’exprime de
manière tonitruante. Mais elle est l’expression d’un dynamisme
qui traduit sa vivacité et la nécessité d’une prise en compte de
nos responsabilités citoyennes. La souveraineté s’entend comme
une ferme reprise en main par l’État-nation d’un ensemble de
leviers de commande des affaires nationales, en terme : 1-
d’orientation générale de l’administration, de sécurité, de
luttes affirmées contre les dérives. 2-d’une politique publique
qui se réfère à des accords entre des forces institutionnelles
reconnues, (groupes organisés, syndicats, associations
professionnelles, cultes, etc.)
Pour réussir la
démarche de reconquête de notre souveraineté, la recherche,
l’innovation et l’enseignement universitaire adapté doivent
constituer les leviers de prise en main de notre avenir de
peuple. Ces paramètres doivent être l’objet de considérations
particulières de la part des responsables de la gestion de
l’Etat.
De
son côté, l’université doit chercher à générer les
connaissances, et les techniques productrices de richesse pour
créer une nation forte et prospère au service de tous et de la
communauté dans son ensemble. Une formation supérieure bien
cadrée et bien orientée demeure un facteur important pour
relancer nos pulsions patriotiques, rassembler l’expression des
volontés, en vue de sortir le pays de cette impasse. Une
université mobilisée pour une cause aussi noble et munie de
moyens appropriés est un gage de réussite. La marche pour la
souveraineté, pour un lendemain meilleur, s’accompagne de
multiples révisions de mesures de politiques imposées par les
grandes institutions internationales et qui n’ont pas donné de
résultats escomptés. Les réformes économiques, les
privatisations, les fermetures d’entreprises, l’austérité mal
orientée ont contribué à détruire le tissu social. Elles ont
généré des crises et contribué à entretenir le climat
d’instabilité actuelle.»
Depuis environ huit ans, Haïti est occupée par des
forces de l’ONU, alors que le drapeau haïtien est foulé aux
pieds, pour que des drapeaux de plusieurs autres nations
flottent quotidiennement sur le territoire national. Autrefois
on disait souvent : « un seul pays, un seul drapeau,
aujourd’hui est ce que c’en est le cas ! » L’histoire de la
création du bicolore haïtien est célèbre et triste à la fois,
puisque célèbre de par sa création, mais triste du fait qu’à
maintes occasions, il est foulé aux pieds par les forces
étrangères. La question qu’on se pose actuellement, reste à
quand la commémoration du drapeau haïtien dans un contexte
politique unité et d’entière indépendance ? |