Depuis l’accession de
Michel Joseph Martelly, le pays ne cesse de patauger dans des
crises récurrentes et des conflits ouverts entre les deux grands
pouvoirs de l’Etat : Exécutif et Législatif. Des attaques venues
de président Martelly en personne contre des médias et la presse
qu’on appelle quatrième pouvoir, sont monnaie courante. La
marche à grand pas vers le rétablissement d’un régime
dictatorial, rétrograde constitue l’une des caractéristiques du
pouvoir en place. Le support ouvert à l’ancien dictateur Jean
Claude Duvalier, en influençant la décision du juge
d’instruction était clair et précis. La révocation arbitraire
illégale des Conseils municipaux élus figure également parmi les
dérives du pouvoir « Tèt Kale » de Martelly. La question de la
double nationalité présumée du président Martelly a une fois de
plus bloqué l’avancement de tous les dossiers au niveau du
Parlement haïtien. Des secteurs de la vie nationale ont critiqué
le comportement du président Martelly qui a catégoriquement
refusé de collaborer avec la Commission d’enquête sur la double
nationalité.
Dans la foulée,
les partis politiques qui détiennent une majorité apparente au
niveau du Parlement posent comme conditions sine qua non à
l’étude des dossiers d’un Premier ministre désigné, la
collaboration du président Martelly à la Commission d’enquête du
Sénat de la République. C’est le cas de la plateforme politique
INITE qui s’est vu obligée d’opérer un changement à la tête de
cette plateforme électoraliste. Lors d’une assemblée
extraordinaire à Mirebalais du premier au 3 mars écoulé autour
du thème « Kote nou ye, kote nou prale », le député des
Desdunes, l’actuel président de la Chambre des députés est
devenu le coordonnateur général de l’INITE en remplacement du
sénateur Joseph Lambert. Dans une déclaration de Mirebalais lue
par l’ex-ministre de la Justice, Paul Denis, l’INITE a énuméré
un ensemble de dérives du régime de « Tèt Kale-Sweet Micky ». «
Il est évident aujourd’hui que les nouveaux dirigeants se sont
déjà attelés à effacer les conquêtes démocratiques du peuple
haïtien depuis 86. Les signaux suivants, captés depuis un
certain temps rappellent étrangement du déjà vu, du déjà vécu :
« Refus de publier les amendements de la Constitution. Refus de
respecter les prérogatives du Parlement. Arrestation arbitraire
d’un député malgré son immunité consacrée par la constitution.
Propos irrespectueux à l’égard des journalistes, des organes de
presse et des Parlementaires. Manifestation publique d’intention
d’instaurer une présidence à vie. Propagande mensongère.
Violation de l’espace Universitaire avec violence contre les
personnes et les biens. Mise en place d’une milice aux fins de
répression. »
Et dans sa résolution lue par le député Sorel Jacinthe, l’INITE
déclare entre autres : « Le refus persistant de l’Exécutif de
respecter les prérogatives constitutionnelles du Parlement
constitue une grave menace pour la constitution d’un Etat de
droit et une source d’instabilité pour le pays. » L’INITE invite
toutes les forces démocratiques du pays à s’unir, à se mobiliser
en vue de bloquer toute velléité du régime actuel à revenir sur
les conquêtes démocratiques du peuple haïtien et de préparer
l’avènement d’une nouvelle ère de progrès et de justice sociale
pour le pays.
A la fin de ce
rassemblement, le sénateur du Nord Moïse Jean Charles a ainsi
exprimé sa satisfaction : « Le fait que le sénateur Lambert ne
pourra pas prendre ses décisions unilatérales, je suis
satisfait. A Mirebalais, je suis satisfait pour deux raisons :
1- Le sénateur Lambert n’est plus coordonnateur général de l’INITE,
il ne peut pas prendre des décisions unilatérales. 2- Nous avons
trouvé le support de tous les membres de la plateforme pour ne
pas faire partie d’aucun gouvernement dans n’importe quelle
condition. » A indiqué Moïse Jean Charles. Il s’est dit très
réconforté des révélations de son collègue, le sénateur Anick
Joseph François, sur des suspicions qui planent sur la
nationalité étrangère du président haïtien Michel Joseph
Martelly.
Le jeudi
premier mars dernier, le sénateur de l’Artibonite a dénoncé le
laxisme de la commission d’enquête sur la nationalité des
dirigeants haïtiens présidée par Joseph Lambert et il a
encouragé ses collègues à consulter des archives de prison des
Etats-Unis où le président Martelly était incarcéré et d’autres
archives devant conduire à la vraie nationalité du citoyen
Michel Joseph Martelly. Après cette déclaration fracassante du
sénateur Anick, de graves menaces de mort planent sur l’élu de
l’Artibonite et qui poussent le président du Sénat, Dieuseul
Simon Desras à les dénoncer publiquement.
Parallèlement,
un groupe de sénateurs ont adopté, en conférence des présidents
de Commissions, mardi 28 février dernier une résolution très
ferme, conditionnant le processus de la ratification d’un
nouveau Premier ministre à la soumission des documents de voyage
du président Michel Martelly à la commission d’enquête. Cette
résolution a été introduite à l’assemblée des sénateurs par
l’élu du nord, le sénateur Westner Polycarpe et dans laquelle il
a sommairement énuméré les dérives dictatoriales du président
Martelly menaçant le processus de l’établissement d’un Etat
démocratique de droit et déclaré du même coup inacceptable le
refus catégorique du citoyen Michel Joseph Martelly de soumettre
ses documents de voyage à la commission d’enquête parlementaire
de vérification des nationalités de hauts dignitaires de l’Etat,
ce en violation flagrante de la constitution haïtienne en
vigueur.
Soumis au nom de l’Etat de droit, de l’éthique politique et en
vertu des fonctions régaliennes du Sénat de la République, la
résolution a fait injonction au président du Sénat, Dieuseul
Simon Desras de surseoir immédiatement et ceci jusqu’à nouvel
ordre a toutes les consultations avec le président Martelly
désormais en rébellion avec les prérogatives constitutionnelles
du Sénat de la République. A bout de patience, des membres de la
commission d’enquête ont adressé ce lundi 5 mars une dernière
correspondance au président Martelly pour lui demander
amiablement une dernière fois de faciliter le travail de ladite
commission.
En attendant la
réponse du président, les sénateurs conditionnent l’analyse des
pièces du Premier ministre désigné au dépôt des documents de
voyage de Michel Martelly soupçonné de nationalité étrangère, ce
qui est contraire aux dispositions constitutionnelles.
Toutefois, le président Martelly de son côté a promis vaguement
la publication des amendements falsifiés de la constitution
haïtienne de 1987, la formation d’un Conseil Electoral
Permanent, l’installation du Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire et autres. Et parlant des amendements truqués de la
constitution « Le groupe de travail indépendant sur
l'amendement de la Constitution de 1987 présidé par Me Gérard
Gourgue, a transmis à la présidence son rapport le vendredi 2
Mars 2012. Les conclusions de ce rapport seraient totalement
défavorables et la commission recommande au président Michel
Martelly de ne pas publier la version de la Constitution
amendée, reconstituée par un groupe de parlementaires assistés
de membres de la société civile. « Ce que nous avons découvert
est accablant. Tout le monde a triché ou triche dans cette
affaire pour faire passer son point de vue, loin de ce qui a été
voté réellement lors de la fameuse séance de vote des
amendements en Assemblée nationale » A-t-on indiqué.
Dans ce jeu politique macabre donnant donnant entre
l’Exécutif et Législatif, la Communauté internationale ne reste
pas indifférente, ses représentants en Haïti ou des envoyés
spéciaux ont engagé des démarches auprès des deux grands
pouvoirs de l’Etat. Le jeudi premier mars 2012, une réunion
s’est tenue au palais national entre le président Martelly et
les ambassadeurs de différents pays accrédités en Haïti dans ce
sens. A l’issue de cette réunion le chef civil des forces
d’occupation de l’ONU, la MINUSTAH, Mariano Fernandez Amunatégui
a déclaré : « Je dirais que c'est positif, que le Président a
déjà fait le choix d'un candidat pour le poste de Premier
Ministre, maintenant c'est une question au niveau du Parlement
d'approuver ou non. Pour nous, la question principale c'est
qu'Haïti doit être doté d'un gouvernement pour atteindre tous
les objectifs que nous avons, surtout dans le domaine
institutionnel. Nous avons eu une très bonne réunion sur la
question des prochaines élections, avec tout le Corps
Diplomatique et les organisations internationales. J’espère
qu’Haïti aura, aussitôt que possible, un Premier Ministre. Le
message que j'ai reçu du gouvernement, c’est qu'après
l'approbation du Premier Ministre Lamothe, on va avoir tout de
suite la publication des amendements constitutionnels, le
calendrier pour les élections, l'avancement dans le Conseil
Supérieur du Pouvoir Judiciaire etc. Pour la Minustah et pour la
communauté internationale, c’est un point positif important.
Aujourd'hui, il y a une déclaration formelle de M. Lamothe, sur
les prochaines élections, qui dit qu’aussitôt qu'on aura
approuvé au Parlement le nouveau Premier Ministre, il [le
Gouvernement] publiera les amendements constitutionnels et on
aura le calendrier pour les élections...» |