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Haiti Liberte: Hebdomadaire Haitien / Haitian weekly news
 

Edition Electronique

Vol. 8, No. 28
Du  Jan  21  au  Jan 27. 2015

Electronic Edition

Kòrdinasyon Desalin: Conférence de presse

 

 
 

Une vraie femme vaillante vient de s’éteindre
Au revoir, Sonia Pierre

Par Frantz Latour
 

...
Ma rubrique de cette semaine, je l’ai intitulée «O ironies!». Sans soupçonner que j’allais me trouver face à une déchirante ironie laissant les communautés haïtienne et haïtiano-dominicaine secouées par une indicible  émotion. En effet, j’apprenais hier la mort inattendue de Sonia Pierre, décédée d’une crise cardiaque. Or, son passage vers les rives de l’éternité, le  dimanche 4 décembre, survient, ô ironie, juste quelques jours avant cette date du 10 décembre quand Sonia Pierre, chaque année, avec l’enthousiasme, le dévouement, le courage, l’opiniâtreté qu’on lui connaît, allait, une nouvelle fois, mettre en branle la noble Campagne pour le Respect du Droit à un Nom et à la Nationalité.

Cruelle ironie. Destin implacable. Inflexible Nature. Impitoyable faucheuse qui ne sait rien de la vie, ne savait rien de la vie de lutte inlassable, tenace, féconde, productive de Sonia pour le triomphe du droit et de la dignité. Une faucheuse qui comme à l’accoutumée a frappé au hasard de ses noires pulsions de mort. Insensible gardienne des immenses espaces d’obscurité et d’éternité venue nous voler notre belle étoile d’humanité pour éclairer l’infini de son vaste ciel de deuil et de douleur.

Je n’ai pas connu Sonia Pierre pour ne l’avoir jamais rencontrée. Mais elle était au détour de chacun de mes moments d’inspiration menant tout droit vers la route qu’elle empruntait chaque jour pour défendre une cause juste, humaine, celle du droit à la dignité, à l’honneur, à la vie, une vie meilleure, décente pour ses sœurs et frères, haïtiens et dominicains d’origine haïtienne.
...

Je n’ai jamais eu ce rare bonheur, cet insigne honneur de me trouver en présence de cette vraie femme vaillante, résolue, indomptable, fière, respectable, noble, digne, loyale, courageuse que fut Sonia Pierre. Je n’ai jamais eu l’heureuse occasion de partager avec elle ses moments d’inquiétude, d’espoir, de persévérance dans une lutte sans fin contre l’oppression, la déshumanisation de ses sœurs et frères de classe. Je porterai longtemps en moi l’amer regret de n’avoir jamais rencontré cette fervente militante qui a tant souffert, au quotidien, de l’incompréhension, de la perversité, de la haine de puissants secteurs dominicains liés à l’industrie sucrière qui voyaient en elle une empêcheuse de tourner en rond, une avocate résolue de la défense des Haïtiens livrés à l’esclavage dans les bateys, propriétés de représentants de la grande bourgeoisie dominicaine et de magnats états-uniens. 

Sonia Pierre est née en 1963, en République dominicaine, de parents haïtiens. Elle a grandi au sein d’une famille de treize enfants, dans l’intimité même d’un batey. C’est dire qu’elle en a connu les aspects les plus douloureux, les plus humiliants. Aussi, le sang rebelle, dessalinien, qui coule dans ses veines gonflées de révolte se manifeste dès l’adolescence. A l’âge de 13 ans, elle fait montre déjà de leadership, organisant une manifestation de cinq jours, dans un fervent coude à coude avec des coupeurs de canne à sucre. Dans le batey où elle dirige la révolte, elle est ciblée par les forces de l’ordre qui font connaître à une si jeune militante les rigueurs carcérales.

Sonia Pierre eut quand même la satisfaction de voir satisfaites les revendications des travailleurs: des locaux d’hébergement plus présentables, de meilleurs outils de travail et des augmentations de salaire. Depuis, Sonia Pierre n’a cessé de lutter inlassablement en faveur de l’émancipation de milliers de dominicains d’ascendance haïtienne condamnés à vivre les pires humiliations et les pires affronts d’une société dominicaine xénophobe et raciste par la faute de classes possédantes pétries dans la farine balaguéro-trujilliste des « blancos de la tierra».

En 1981, Sonia Pierre fonde le Movimiento de Mujeres Dominicano-Haitianas (MUDHA), Mouvement des femmes dominicano-haïtiennes, une organisation non gouvernementale qui concourra à faire prendre conscience à l’opinion publique dominicaine et internationale sur le sort inique et inhumain réservé aux Haïtiens et Dominicains d’ascendance haïtienne vivant en République dominicaine. Pour Sonia Pierre, MUDHA sera le creuset d’une lutte opiniâtre pour la défense de ses concitoyens d’origine haïtienne et plus généralement pour son combat en faveur des droits de l’homme, car tout moun se moun.                                                                             

Sonia Pierre n’a pas connu que l’hostilité des classes possédantes dominicaines. Fort heureusement, son combat héroïque pour la dignité humaine lui a valu l’hommage de ceux-là qui ont su apprécier à sa juste valeur son courage à surmonter toutes les difficultés dressées sur sa route. C’est ainsi qu’en 2006, elle a reçu de la main même de feu le sénateur Ted Kennedy le Prix Robert F. Kennedy des Droits de l’Homme. Récompense méritée et ainsi soulignée par Kennedy: « Avec certitude, je peux affirmer que Sonia est l’une des plus dévouées, courageuses et compatissantes des êtres humains de ma génération. Sonia est tout en haut de ma liste d’héroïnes». En mars 2010, elle recevait le Prix Courage et Leadership féminin du Département d’Etat américain. Cette même année, en juin, elle a été élevée au grade de Chevalier de l’Ordre Honneur et Mérite par l’Etat Haïtien.

Sonia Pierre était dans le collimateur des secteurs ultras et anti-haïtiens de la République Dominicaine. Ella a été la cible d’une presse hostile qui l’abreuvait d’injures à cause de son implication dans la lutte contre la dénationalisation des citoyens-nes dominicains-es d’origine haïtienne et de son intervention devant la Cour interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) pour faire respecter ses droits et ceux de ses compatriotes à la nationalité dominicaine. A un moment, on a tenté de la dépouiller de ses documents l’identifiant comme Dominicaine. Récemment, elle avait été l’objet de sérieuses menaces de mort, lors de la décision de la Cour Suprême dominicaine de ratifier une décision du gouvernement déniant la nationalité dominicaine aux enfants de descendance haïtienne nés en République dominicaine, sous le prétexte farfelu et cynique que leurs parents sont «en transit dans ce pays».

Ironie de la vie, cette femme au grand cœur commença en 2006 à développer des problèmes cardiaques qui lui valurent deux interventions chirurgicales dont la mise en place d’un stimulateur cardiaque. Tant de stress et d’infatigable labeur au service des migrants-tes haïtiens-nes et de leurs descendants en République Dominicaine ont eu fini par dangereusement affaiblir le cœur de Sonia qui a cédé le dimanche 4 décembre, à l’âge de 48 ans, dans un hôpital à Villa Altagracia en République Dominicaine.

Sonia est partie pour son dernier voyage qui l’emmènera dans notre mythique Guinée où elle reposera en paix à l’ombre des abricotiers et des corossoliers. Je m’associe à l’équipe du journal Haïti Liberté pour présenter nos condoléances à la famille durement éprouvée de Sonia Pierre, à ses amis, aux membres du Mouvement de Femmes Dominicano-Haïtiennes, et à tous les Haïtiens profondément affectés par la perte d’une sœur, d’une amie, d’une infatigable défenseure des droits humains, d’une grande dame qui fait honneur à notre humanité.

Nos pensées les plus ferventes accompagnent Sonia Pierre dans son dernier voyage.
 
 
Vol. 5, No. 21 • Du 7 au 13 Décembre 2011
 

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