
Après cinq mois passés
à la tête du pays sans un gouvernement légalement établi, le
président de la République, Michel Joseph Martelly, est arrivé,
quand bien même, à doter le pays d’un nouveau gouvernement
composé d’un Premier ministre, de 18 ministres, et de 19
secrétaires d’Etat.
Mais, à
peine installé dans ses fonctions, ce gouvernement, dirigé par
le Premier ministre Garry Conille, s’enfonce dans un dilemme
avec l’arrestation arbitraire et illégale du député de la
circonscription Delmas/Tabarre, Arnel Bélizaire, sur l’ordre
formel du président Martelly, le jeudi 27 Octobre 2011, à
l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince.
Pour
accomplir cette sale tâche, Martelly et Conille ont utilisé le
bon vouloir du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince,
Félix Léger, les agents de la Police Nationale d’Haïti, et les
soldats des forces d’occupation de l’ONU, la MINUSTAH.
En effet,
le jeudi 27 Octobre, dans l’après-midi, le député Arnel
Bélizaire revenait d’un voyage officiel en France pour le
Parlement muni d’un passeport diplomatique. À sa descente de
l’avion, des agents de la PNH ont procédé à son arrestation et
l’ont conduit au Pénitencier national, où il a passé une nuit.
Le président Martelly a reproché au député d’être un évadé de
prison, suite à une dispute qui avait tourné au vinaigre, et qui
a provoqué un lourd échange de vulgarités Voirci-après la lettre
du député Belizaire au président de la chambre basse pour lui
raconter les incidents survenus, au Palais National le 12
Octobre dernier. Le président Martelly, qui a toujours la
nostalgie du temps de l’arbitraire duvaliériste, avait promis de
mettre la main au collet du député Bélizaire, de gré ou de
force.
Ce jeudi à
l’aéroport de Port-au-Prince, toutes les dispositions avaient
été prises pour procéder à l’arrestation du député. L’accès au
salon diplomatique de l’aéroport avait été interdit à une
délégation parlementaire, présidée par le président de la
Chambre des députés, Sorel Jacinthe. « Nous avons affaire à
un chef suprême qui plonge dans la dictature et qui a
aujourd’hui dans le pays de qui s’inspirer, » a dit M.
Jacinthe. « Nous allons voir Arnel pour lui dire qu’on est
pour la démocratie, pour la séparation des pouvoirs, pour le
respect de la constitution. »
M.
Jacinthe a de plus ajouté qu’il craignait un retour au statu
quo ante parce que l’ex-dictateur Jean Claude Duvalier,
estime-t-il, est le modèle politique préféré de l’actuel
président haïtien, qui affiche le plus grand mépris pour la
liberté de la presse et le pouvoir législatif.
L’ex-président de la Chambre des députés, Lévaillant
Louis-Jeune, quant à lui, a fait savoir que le pays a vécu ce
jeudi le jour « j » d’une nouvelle dictature. Il a promis
également dès la rentrée parlementaire de janvier 2012, une
proposition de mise en accusation du président de la République,
conformément a la constitution haïtienne de 1987 en vigueur, qui
en son article 186, stipule. « La Chambre des députés, à la
majorité des deux tiers (2/3) de ses membres prononce la mise en
accusation : a) du président de la République pour crime de
haute trahison ou tous autres crimes ou délits commis dans
l’exercice de ses fonctions. »
Et alors
l’arrestation arbitraire du député Arnel Bélizaire en flagrante
violation de l’article 115 de la Constitution, n’est-ce pas là
une infraction commise par le président Martelly « dans
l’exercice de ses fonctions » ? L’article 115 de la
Constitution stipule : « Nul membre du Corps législatif ne
peut, durant son mandat, être arrêté en matière criminelle,
correctionnelle ou de police pour délit de droit commun, si ce
n’est qu’avec l’autorisation de la Chambre à laquelle il
appartient, sauf le cas de flagrant délit pour faits emportant
une peine afflictive et infamante. Il en est alors référé à la
Chambre des députés ou au Sénat sans délais, si le Corps
législatif est en session, dans le cas contraire, à l’ouverture
de la prochaine session ordinaire ou extraordinaire. »
Le
commissaire du gouvernement de Martelly, Félix Léger a même osé
enlever le titre du député après sa séquestration : « La
justice n’est pas en affaire avec un député, » a-t-il dit. «
La justice est en affaire avec un citoyen », pour ne pas
dire un « bandit » comme disait le porte-parole de la
Police nationale d’Haïti, Gary Desrosiers, pour les huit
militants de MOLEGHAF, arrêtés devant les locaux du ministère
des Affaires sociales, le mardi 25 Octobre dernier. « Il y a
un citoyen qui a des démêlés avec la justice, la justice a fait
son travail, c’est ça qui est important, » a déclaré M.
Léger, qui semble (comme le député Jacinthe a noté la semaine
dernière) ignorer le contenu de la Constitution.
Mais, peu
troublé par ces détails, M. Léger a poursuivi: « L’ordre
formel de la justice, » – il aurait dû dire du président
Martelly – « était de le conduire là, je n’ai pas à
l’entendre, parce que l’ordre ne dit pas de le conduire au
Parquet de Port-au-Prince, l’ordre est de le rechercher et de
le déposer au Pénitencier national. Il est certain que la Police
a fait son boulot, et la justice apprécie le travail de la
Police, » a-t-il félicité.
Tandis que
les députés ne pouvaient pas pénétrer à l’intérieur de
l’aéroport, le ministre de l’Intérieur, Thierry Mayard-Paul, y
pénétrait avec ses gardes du corps lourdement armés, le même
jour. Interdits de circuler avec des armes par les agents de
sécurité, Thierry ainsi que ses bourreaux ont agressé
physiquement les agents de sécurité de l’aéroport. Le badge de
l’agent de sécurité Fritz Dorcé a été confisqué, ce qui a
provoqué un arrêt de travail le vendredi 28 Octobre à l’aéroport
international Toussaint Louverture.
Le
lendemain de son arrestation, le député Arnel Bélizaire était
conduit à la Chambre des députés où il a été reçu par des
centaines de ses partisans et collègues. Séance tenante, les
députés ont majoritairement voté une résolution demandant la
démission immédiate de quatre membres du gouvernement Martelly-Conille
qui sont : le ministre de la Justice et de la Sécurité publique,
Josué Pierre-Louis ; le ministre de l’Intérieur, Thierry Mayard
Paul ; le secrétaire d’Etat à la présidence aux Affaires
Etrangères, Michel Brunache, et le commissaire du gouvernement
a.i. près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince,
Félix Léger. Dans la mesure où ils n’auront pas obtempéré à
cette injonction, ils seront interpellés dès la rentrée de la
première session parlementaire en janvier 2012.
Au niveau
du Sénat de la République, 16 sénateurs ont signé une
proposition d’interpellation contre le ministre de la justice,
Josué Pierre-Louis, et le secrétaire d’Etat, Michel Brunache,
pour le jeudi 3 Novembre.
Le Premier
ministre Garry Conille et son ministre de l’Intérieur, Thierry
Mayard-Paul, sont attendus au Sénat le lundi 7 Novembre. Ils
sont invités pour aller s’expliquer sur le projet de
gouvernement de rétablir les Forces Armées d’Haïti.
Ils ont également mis
sur pied une commission sénatoriale devant enquêter sur la
nationalité des membres de ce gouvernement. Tout est fin prêt
pour «couper la tête» de quelques ministres chers à Martelly.
Le président qui a
quitté le pays le jeudi 27 Octobre dernier pour un voyage de
santé aux Etats-Unis, selon un communiqué du Bureau de
communication du Palais National, devrait retourner au pays le
dimanche 6 novembre. Face à cette situation confuse, parait-il,
il semble être obligé prématurément à mettre fin à son séjour,
pour retourner le mercredi 2 novembre.
Le gouvernement est
menacé de connaître une grave crise politique dont personne ne
connaît l’issue. Alors au niveau du Palais National, des
démarches ont été entreprises auprès de certains responsables
d’organisations pour accueillir le président à l’aéroport,
faisant semblant que Martelly est populaire. Donc le peuple
haïtien aura à vivre un autre scénario à l’aéroport Toussaint
Louverture.
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Monsieur Sorel
JACINTHE
Président de la
chambre des Députés
En ses bureaux
Monsieur le Président,
J’ai
l’honneur de vous présenter mes compliments et m’empresse de
vous faire part de l’incident survenu au Palais National tout de
suite après la rencontre avec le Premier Ministre Gary CONILLE
et les députés du groupe 58 à l’hôtel « Le Plaza », le mercredi
12 octobre en cours.
Les
Députés du groupe 58 avaient demandé de respecter le minimum
exigé à savoir les cinquante (50) millions de gourdes pour les
cartels communaux et la nomination des Vice-délégués. Le Premier
Ministre a dit qu’il étudiera avec son staff financier les
possibilités y relatives, avec la garantie de le faire en accord
avec les Députés.
Comme les
deux (2) autres points ressortent à la compétence du Président,
avec qui le député Abel Descollines avait déjà planifié une
rencontre, une fois l’entretien avec le Premier Ministre
terminé, on s’est rendu au Palais national. Arrivé audit lieu,
la rencontre commençait avec le président de la République. Le
Député Fritz CHERY a brièvement rappelé le but de la rencontre.
Après son intervention, le président de la République a réagi.
Le député Fritz Chéry a demandé au député Virkens Derilus
d’intervenir pour exposer en détail les grands points de la
rencontre, travail qui a été confié préalablement au député
Bourjolly. Etant donné que ce dernier n’a pas bien rempli son
rôle, le député Vickens a pu réagir pour éclaircir certains
points pour le Président de la République en disant que monsieur
le président, pour que le groupe 58 puisse ratifier la
déclaration de politique générale du Premier Ministre, il faut
que le décaissement des 50 millions de gourdes alloués à chaque
commune, la nomination des Vices-délégués et les Cartels
communaux soient respectés. Le président a répondu : « Ki kaka
sa, nou konnen mwen menm, mwen pa gen moun ki ka enpoze m’anyen,
mwen gen yon gwo zozo nan boudam ki two lou pou mwen nou pa ka
fè’m anyen e pa gen anyen map pèdi, nou menm si nou vle fè yon
bagay avèm’m, n ap dim " Prezidan men sa nou ta renmen epi map
gade sa map ka fè" »
A ce
moment là, j’ai eu à intervenir pour déclarer au président que
je ne suis pas d’accord. Il m’a répondu : « ki mele bouda m’ou
bliye yon le mwen te avè w nan la sware nou tape ede moun, et le
lendemain ou moute sou radyo se fann ou fann mwen ; men mwen pat
tande ou non se moun ki di m sa ». Je lui ai répondu « Monsieur
le Président, sa yo di ou la se vre wi, se fann mwen fann ou
nan radyo, surtout ou konen mwen pa renmen ou déjà ». Après cet
instant, le Président a perdu son contrôle en m’injuriant et
proférant à mon endroit des menaces (tout sot jouman ki genyen)
à un point tel qu’il a osé me dire : « kom mwen tande ou gen
grenn pwouve’m sa la, mwen fè ou pa soti vivan nan palè a »
Monsieur le Président,
j’ai tellement lutté pour la démocratie dans ce pays,
qu’aujourd’hui je me retrouve face à une dictature des plus
féroces. Face à la réaction du président de la République hier
soir, j’en déduis qu’il ne va pas accepter l’opposition et qu’il
serait prêt à tout faire pour éliminer les obstacles sur son
chemin.
Monsieur le Président,
la situation bat son plein. Si un président de la République
arrive à traiter un parlementaire de la sorte et qui pis est, en
présence de plus de 50 autres
Parlementaires. Cela
explique clairement, si le peuple ne m’avait pas doté d’un brin
de pouvoir, je serais le premier messager que le président
aurait renvoyé.
Etant
dûment mandaté par le peuple pour contrôler l’exécutif, je
demanderais à mes collègues, quoi qu’il arrive, de rester unis
afin de continuer le travail qui nous a été dignement confié,
car l’avenir de notre cher pays parait sombre. Puissent mes
collègues tirer de cette situation la conclusion qui s’impose
afin de maintenir l’indépendance et l’autorité du parlement, co-dépositaire
de la souveraineté nationale.
Je vous renouvelle,
Monsieur le Président, l’expression de mes patriotiques
salutations.
Arnel BELIZAIRE
Député de la 6eme
circonscription
Delmas Tabarre
C.C. Jean Roldolphe
Joazile
Président du Sénat de la République
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