Dans la perspective de réconciliation de tous les
fils de la nation haïtienne, le président Michel Martelly a
entrepris des rencontres avec les anciens chefs d’Etat de facto
ou de jure, au cours d’une semaine baptisée « Semaine de
réconciliation ou semaine d’entente nationale ». Durant cette
semaine, le président Martelly a rencontré cinq anciens
présidents : Prosper Avril, Jean Bertrand Aristide, Jean Claude
Duvalier, Boniface Alexandre et Henry Namphy, dans leurs
résidences respectives dans la banlieue de la capitale et en
République Dominicaine.
Selon le bureau
de Communication de la présidence dirigé par le journaliste,
Joseph Lucien Jura, la démarche du président Martelly vise à
encourager le dialogue et l’union entre tous les acteurs et
anciens leaders du pays. Cette semaine de réconciliation a
également pour but de trouver une entente nationale, un espace
pour discuter de quelques grands dossiers de l’Etat, entre
autres : l’Education, l’Armée, la Minustah, la CIRH.
La première
rencontre a eu lieu à la résidence de l’ex-général putschiste
Prosper Avril, le mardi 11 Octobre 2011, au Juvénat, Pétion-ville. Les médias étaient invités à couvrir cette
rencontre et à la fin chacun faisait le point sur ce
tête-à-tête. « Je souhaite que les leaders anciens et actuel
puissent s’unir en vue de travailler au progrès d’Haïti. Je
salue votre passage à la tête de l’Etat (1988-1990) et les
longues années passées au service de l’armée », a déclaré
Martelly. De son côté, Prosper Avril a enchaîné en ces termes :
« Il est nécessaire de réconcilier la nation avec elle-même. »
Tout en souhaitant à Martelly la réussite de son mandat et la
concrétisation de son rêve de réconcilier la nation avec
elle-même à la fin de son quinquennat.
Le
lendemain, le président Martelly s’était rendu à la résidence de
l’ex-président d’Haïti, Jean Bertrand Aristide, à Tabarre où il
a passé plus de deux heures à dialoguer avec lui. La Télévision
Nationale d’Haïti (TNH) et quelques autres médias ont été
autorisés à couvrir cet entretien. A l’issue de ces longs
pourparlers, Aristide a déclaré : « Cette visite renforce toutes
les étapes qui ont été faites afin que nous puissions mettre nos
têtes ensemble. Nous sommes tous des Haïtiens, à l’étranger
comme en Haïti, nous devons nous entendre, les ancêtres
s’étaient entendus, ils ont fait l’union et l’union fait la
force. Ils nous ont donné un pays, une nation, aujourd’hui dans
la même ligne que l’union fait la force, nous devons nous
entendre. Aujourd’hui, nous devons nous entendre, parler,
dialoguer pour faire d’Haïti un beau pays. C’est dans cet esprit
que je vous dis merci président Martelly pour cette visite. »
Quant au
président Martelly qui disait souhaiter organiser une conférence
des anciens chefs d’Etat d’Haïti, il a fait remarquer que : «
L’heure est venue pour tous les Haïtiens de se mettre ensemble
afin de construire un projet, une vision commune pour enfin
remettre le pays sur ses pieds. Il m’a reçu comme un de ses
proches, nous sommes tous des Haïtiens sur cette terre, c’est le
signal que nous devons envoyer. »
Le
Président Martelly était accompagné des Président des deux
Chambres Jean Rodolphe Joazile (Sénat) et Sorel Jacinthe
(Chambre basse). L’ancien Président Artiside avait à ses côtés,
son épouse Mildred, l'homme d'Affaire Jean-Marie Vorbe, le Dr
Maryse Narcisse et Gladys Péan.
Le même jour, il a
rencontré l’ex-dictateur, Jean-Claude Duvalier ce mercredi
après-midi à Thomassin, dans sa résidence. Et le vendredi 14
Octobre, le président Martelly avant de quitter Haïti pour la
République Dominicaine a rendu visite à l’ancien président de
facto, Boniface Alexandre, dans le même objectif de réconcilier
tous les fils de la Nation haïtienne.
Durant sa
participation au 12e Forum de Biarritz qui se tenait jeudi et
vendredi à Santo-Domingo, le président Martelly en a profité
pour s’entretenir avec l’ancien président de facto, l’ex-général
putschiste, Henry Namphy. Il a encouragé l’ex-président du
Conseil National de Gouvernement à rentrer dans son pays pour
participer à son projet de réunir tous les anciens dirigeants
haïtiens autour d’une même table, dans le cadre de la mise en
place d’un conseil des sages. L’ex-général putschistes, Henry
Namphy lui a promis de penser à cette proposition. Henry Namphy
a été renversé du pouvoir par un Coup d’Etat fomenté par
l’ex-général Prosper Avril en 1989.
Le président du
Sénat haïtien, Rodolph Joazile qui accompagnait le président a
donné son opinion sur les rencontres de Martelly avec les
anciens Chefs d’Etat. Il a déclaré : « Je félicite le président
Martelly pour cette initiative. Le pays a besoin de se
réconcilier avec lui-même. » Toutefois, il estime que « le
problème de justice de Duvalier doit être résolu. »
Cette proposition est
partagée par beaucoup d’Haïtiens qui disent que le président
Martelly ne doit pas mettre la charrue avant les bœufs. La
justice doit triompher, notamment concernant le dossier des
Duvalier avant toute éventuelle réconciliation. La justice élève
une nation, dit-on. On ne peut pas réconcilier la nation
haïtienne sous le règne de l’impunité. La justice est avant tout
un droit humain. Le recours généralisé ou systématique à la
torture et aux disparitions forcées en Haïti entre 1971 et 1986
constitue des crimes contre l’humanité. Ni le temps passé, ni
l’exemption des poursuites et les manœuvres dissuasives ne
peuvent servir d’excuses sur une base de réconciliation
intéressée pour ne pas mener d’enquêtes ou engager des
poursuites contre les responsables présumés de ces crimes,
notamment l’ex-tyran, Jean-Claude Duvalier.
Au moment où le président
de la République lui-même attaque des secteurs de la vie
nationale, en lançant des propos injurieux contre des
journalistes, des menaces de mort contre des députés, menaçant
des membres d’organisations du mouvement social haïtien qui
revendiquent le départ des forces d’occupation de l’ONU d’Haïti,
la MINUSTAH, les qualifiant d’extrémistes, d’anarchistes,
peut-on parler de réconciliation, d’entente nationale ? Avec qui
et pour qui ? Quid de tous ceux qui ont tué et fait disparaître
des milliers d’Haïtiens et qui ont accaparé leurs biens, sans
que la justice n’en dise mot. Les victimes de la dictature
sanguinaire de Jean Claude Duvalier ont déposé des plaintes
depuis environ dix (10) mois, jusqu’à présent l’action publique
n’est pas encore mise en branle contre les responsables de
milliers de crimes de sang, présents dans le pays et bénéficiant
de l’impunité totale. La réconciliation dans l’impunité ne peut
pas élever la Nation.
Alors que le président
Martelly prône la réconciliation, il a développé un sentiment
d’antipathie contre tous ceux qui s’opposent à sa politique
d’exclusion. Il a même proféré des menaces de mort contre les
membres du pouvoir législatif, en se proposant d’être cynique
envers eux : « Je vais être même cynique. Quelqu’un qui, au
palais national, s’en prend au président, peut ne pas pouvoir en
sortir, même s’il jouit d’une certaine immunité. Ils s’exposent
au malheur, ceux qui s’opposent à moi. J’entends faire respecter
l’institution tout le temps que j’occupe la fonction. »
a-t-il lancé samedi dernier en revenant de la République
Dominicaine.
Certains se demandent
comment un président qui ne se respecte pas et qui n’a aucun
respect pour les autres institutions importantes comme le
Parlement et le quatrième pouvoir, la presse, peut-il faire
respecter la présidence. Martelly dans son comportement et son
incapacité à se gérer lui-même, ne pourra ni réconcilier la
nation ni faire respecter les institutions.
Les
institutions d’un pays ne comportent pas seulement la structure,
mais également les lois, en première instance la Constitution.
Pourtant, il a désigné un Premier ministre qui ne répond pas aux
prescrits de cette constitution. N’était-ce pas un deal
politique, sans lequel Garry Conille n’aurait pas pu parvenir à
la tête de la Primature ?
Les opinions sont partagées dans la société.
Certains voient dans l’initiative de rencontre des anciens chefs
d’Etat une bonne chose, d’autres ne sont pas de cet avis.
D’aucuns voient dans cette initiative une stratégie politique
visant à dissuader les poursuites judiciaires entamées contre
les auteurs de crimes contre l’humanité, pour faire plaisir aux
représentants de la dite communauté internationale.
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