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				 Youri Latortue est l’un 
				des politiciens les plus puissants d’Haïti. Sénateur au 
				franc-parler, il est un allié du président haïtien Michel 
				Martelly. Tous deux comptent parmi les principaux défenseurs du 
				rétablissement de l’armée haïtienne démobilisée. Il a soutenu le 
				candidat au poste de Premier ministre de Martelly, l’homme 
				d’affaires néolibéral Daniel-Gérard Rouzier, qui a été rejeté 
				par le Parlement à l’occasion d’un vote le 21 juin. Par ailleurs, Youri 
				Latortue est également un trafiquant de drogue, un parrain de 
				gang, et un chef d’escadron de la mort, selon le témoignage et 
				les rapports de nombreux collègues, témoins d’actes criminels et 
				fonctionnaires du gouvernement, haïtiens et internationaux. En fait, « le 
				sénateur Youri Latortue pourrait bien être le politicien haïtien 
				le plus effrontément corrompu », d’après l’ambassade des 
				É.-U. Des câbles secrets du Département d’État des É.-U. obtenus 
				par l’organisme WikiLeaks et analysés par Haïti Liberté 
				dressent le portrait d’un caïd ambitieux sans vergogne et sans 
				scrupules, qui a aidé à renverser des gouvernements haïtiens et 
				qui a fait des Gonaïves, la quatrième ville d'Haïti, son fief 
				personnel. Son ascension au 
				pouvoir Né aux Gonaïves, Youri 
				Latortue a fréquenté l’École de droit à Port-au-Prince avant 
				d’être diplômé de l'Académie militaire d'Haïti en 1990. Il est 
				devenu lieutenant dans les Forces armées d'Haïti (FAdH), 
				enseignant brièvement à l'Académie militaire. Toutefois, après 
				le coup d'État du 30 septembre 1991 contre le Président 
				Jean-Bertrand Aristide, Latortue a rejoint les rangs de la 
				notoire unité antigang de l’armée (auparavant connue sous le nom 
				de Recherches criminelles) dirigée par le colonel Michel 
				François, l’un des principaux dirigeants du coup d'État. « C’était de 
				notoriété publique qu’il avait pris part à nombre des meurtres 
				politiques durant le coup d’État de 1991-94, particulièrement à 
				celui du Père Jean-Marie Vincent au mois d’août 2004, » a 
				expliqué un ancien haut placé de l’appareil de sécurité du 
				gouvernement sous couvert d’anonymat. « Il était l’un des 
				chefs des ‘escadrons de la mort’ de Michel François.” En 2004, une délégation 
				du Centre d’étude des droits humains écrivait qu’ « un ancien 
				haut placé de la police affecté à l’USGPN (sécurité du Palais), 
				Edouard Guerrier... fait valoir que Youri Latortue a participé 
				au meurtre en 1994 du prêtre catholique Jean-Marie Vincent 
				(comme l’indiquaient des témoins oculaires en 1995), et qu’il a 
				collaboré à l’assassinat en 1993 du militant pour la démocratie 
				Antoine Izméry ». En 2005, un policier des 
				É.-U. avec la Force de police des Nations unies (UNPOL) a filmé 
				une interview qu’il a réalisée avec une jeune femme qui 
				craignait pour sa vie « parce que le 28 août 1994, j’ai été 
				témoin de l’assassinat par Youri Latortue du prêtre du nom de 
				Jean-Marie Vincent, », a-t-elle dit. La vidéo, diffusée en 
				octobre 2010 par le Projet d'information sur Haïti (HIP), est 
				maintenant disponible sur YouTube.  Elle décrit comment elle 
				a vu le prêtre conduire jusqu'à son entrée cette nuit là. « 
				C’est alors que j’ai vu... une camionnette blanche avec un 
				groupe d’hommes en noir », a-t-elle poursuivi. « J’ai vu 
				Youri... Je [n’ai pas reconnu] les autres. Mais la raison 
				pour laquelle j’ai reconnu Youri [est] parce qu’il savait 
				venir chez [nom retiré]. Et je l’ai vu sortir de la 
				[camionnette] et tirer sur la voiture. Mais à ce moment je ne 
				savais pas que [la victime] était un prêtre... Je ne 
				connaissais pas la personne qui se trouvait dans la voiture. » Ce 
				n’est que plus tard que j’ai appris de qui il s’agissait (voir
                
				Haïti Liberté, Vol.4, No.14, 10/20/2010). L’interview filmée a été 
				envoyée à HIP avec la note suivante : « L’ONU n’est pas 
				intéressée à poursuivre cette affaire ou à révéler cette preuve 
				malgré les déclarations d’un témoin oculaire que Youri Latortue 
				est celui qui a appuyé sur la détente et tué le Père Jean-Marie 
				Vincent le 28 août 1994.... C’est un déni de justice que l’ONU 
				ait refuse de faire part de ce témoignage au public. Ils sont 
				censés être impartiaux mais Latortue a des amis puissants à 
				l’ambassade des É.-U. qui le considèrent comme un atout depuis 
				son rôle après le renversement d’Aristide en 2004 ». Après son retour d’exil 
				le 15 octobre 1994, Aristide a démobilisé les FAdH au début de 
				1995, et Latortue a été muté à la force de Police intérimaire, 
				composée d’anciens soldats des FAdH. Dr. Fourel Célestin, ancien 
				colonel des FAdH, a été nommé au poste de conseiller à la 
				sécurité du président Aristide, et il a proposé d’intégrer Youri 
				Latortue à la sécurité du Palais sous son égide. « Aristide y était 
				totalement opposé car il avait entendu les rumeurs du rôle 
				meurtrier de Latortue durant le coup d’État », de dire 
				l’ancien membre du gouvernement. « Mais Célestin l’a 
				convaincu, arguant que le Palais se devait de posséder certains 
				des mauvais éléments de l’armée pour démanteler et neutraliser 
				la force ». Aristide a cédé. En mars 1995, des 
				assassins inconnus ont abattu la porte-parole pro-coup d’État 
				bien connue, Mireille Durocher-Bertin, et un autre passager de 
				sa voiture la veille de la visite du président Bill Clinton en 
				Haïti. Cet assassinat a considérablement embarrassé le 
				gouvernement Aristide et Clinton. Une équipe d'agents du FBI a 
				passé du temps à enquêter sur le meurtre en Haïti, et Youri 
				Latortue comptait parmi leurs suspects. Washington a retiré le 
				visa de voyage aux É.-U. de Latortue. Latortue a travaillé au 
				bureau du Palais de Célestin jusqu’en 1996, quand le président 
				René Préval a pris le pouvoir. Washington a insisté pour 
				que certains officiers des FAdH considérés comme étant trop 
				proches d’Aristide – Célestin, les majors Dany Toussaint et 
				Joseph Médard – soient écartés de la direction de la nouvelle 
				police et de deux nouveaux contingents de sécurité du Palais : 
				L’USP (Unité de sécurité présidentielle), semblable aux services 
				secrets des É.-U., et l’USGPN (Unité de 
				sécurité générale du Palais national). Lorsqu’ils ont été 
				démis de leurs fonctions, cela a laissé un vide dans le 
				commandement de la sécurité du Palais, un vide qui a été comblé 
				par Latortue. Il est devenu chef adjoint de l’USGPN sous Frantz 
				Jean-François. Deux agents de sécurité pro-Lavalas jugés plus 
				dignes de confiance – Nesly Lucien et Oriel Jean – ont été 
				choisis pour diriger l’USP. Cet arrangement a duré pendant tout 
				le mandat de Préval (en dépit de ses graves inquiétudes au sujet 
				de Latortue, comme nous le verrons) jusqu’à ce qu’il laisse la 
				place à Aristide en 2001.   Aristide revient, 
				Youri prend congé « Après l’accession 
				au pouvoir d’Aristide, d’autres policiers de l’USGPN ont trouvé 
				[Latortue] ‘hostile’ envers son nouveau Président, qui était 
				préoccupé par son implication dans un‘complot,’ d’après la radio 
				appartenant à l’élite haïtienne, Signal FM, le 21 février 2001 », 
				écrit le journaliste d’enquête canadien Anthony Fenton, dans 
                un 
				article de Znet de juin 2005 intitulé « Have the 
				Latortues Kidnapped Democracy in Haiti? [Les Latortue 
				ont-ils kidnappé la démocratie en Haïti ?] ». À ce moment-là, Latortue 
				a été transféré du Palais pour aller travailler sous Nesly 
				Lucien, qui avait été nommé chef de police. Mais à la fin de 
				2001, Latortue a pris un congé payé de la police pour aller 
				poursuivre une maîtrise en Droit au Canada. Il « a vécu a 
				Miami, [et] étudié à Montréal pendant deux ans »a-t-il 
				raconté à Fenton lors d’une interview téléphonique de juin 2005. C'est à cette époque que 
				Latortue a reçu la visite de Stanley Lucas, un représentant de 
				l'International Republican Institute (IRI), une tentacule du 
				National Endowment for Democracy (NED) du gouvernement des 
				É.-U., d’après notre source. L'IRI jouait un rôle central dans 
				l'organisation de l’« opposition civile » à Aristide, 
				principalement le soi-disant « groupe des 184 », dirigé par le 
				magnat des ateliers de misère, Andy Apaid. Mais Lucas était 
				également en contact avec l’« opposition armée » de l’ancien 
				soldat et chef de police haïtien, Guy Philippe en République 
				dominicaine. C’est là que Youri allait entrer en scène. En 2002 et 2003, 
				Latortue a fait la navette entre les États-Unis, le Canada et la 
				République dominicaine, pour rencontrer Guy Philippe, l’ancien 
				chef de l’escadron de la mort FRAPH , Jodel Chamblain, et 
				d’autres membres des « rebelles » qui se formaient, 
				s’entraînaient et lançaient des raids contre Haïti. Fait 
				intéressant, le visa de voyage aux États-Unis de Youri, qui 
				avait été suspendu en 1995, a été rétabli en 2002 lorsqu’il 
				s’est mis à jouer le rôle d’intermédiaire anti-Aristide. « Nous savons que 
				Youri a été l’un des auteurs intellectuels, l'un des principaux 
				planificateurs, de l'attaque contre le Palais national le 17 
				décembre 2001», lorsqu’une bande des « rebelles » de 
				Philippe a brièvement pris le Palais national à l’occasion d’un 
				coup d’État raté, a expliqué notre source bien placée. « Dans 
				le cadre de l'enquête après l'attaque, nous avons appris que 
				c’étaient les gens de Youri – ses protégés – dans l’USGPN, 
				travaillant à l'intérieur du Palais, qui ont laissé les 
				attaquants s’introduire dans l’enceinte du Palais. » Enfin Lucas, Latortue, 
				Philippe, l’IRI et les 184 ont réussi leur campagne de 
				déstabilisation après qu'une équipe SEAL des É.-U. eut enlevé 
				Aristide à son domicile le 29 février 2004, complétant le 
				deuxième coup d'État contre ce dernier. Après le coup d’État 
				de 2004 Youri Latortue s’est 
				alors envolé pour Haïti accompagné de son cousin au deuxième 
				degré, Gérard Latortue. Quelques semaines plus tard, Gérard 
				Latortue a été installé comme Premier ministre de facto. 
				Youri Latortue, souvent appelé le « neveu » de Gérard a 
				été nommé chef de sécurité et chef espion, avec le titre de « 
				responsable des services de renseignements de
				la Primature 
				». « Le problème était 
				que Gérard avait travaillé pour des organisations 
				internationales outre-mer la majeure partie de sa vie et n’avait 
				pas vraiment de repères en Haïti, », explique notre source.
				« Il dépendait largement de Youri pour le guider. En ce sens, 
				Youri était pratiquement le Premier ministre dans les coulisses. 
				Et pendant ce coup d'État, il fut le principal responsable du 
				massacre de nombreux militants au Bélair, à Cité Soleil et 
				d’autres poches de résistance ». Dans ces fonctions, 
				Latortue a été « surnommé ‘Monsieur 30 pour cent’ à cause du 
				pourcentage qu'il exigeait en échange de faveurs », écrit 
				Thierry Oberlin dans l’édition du 21 décembre 2004 du Figaro. 
				«Inquiet, non sans raison, pour sa propre sécurité, le Premier 
				ministre verse 20 000 euros par mois à cet ancien policier 
				impliqué dans divers scandales pour ‘organiser un service de 
				renseignements’.» Mais quelque chose 
				d’intéressant s survenait en 2004; Gérard Latortue a quitté 
				Haïti pour se rendre à une conférence au Canada, en passant par 
				Miami. Youri faisait partie de sa délégation. Mais en Floride, 
				les agents des É.-U. ont détenu Youri pour son implication 
				présumée dans le trafic de drogue. (Joel Deeb, un trafiquant 
				d'armes haïtiano-américain qui aurait fait des affaires avec 
				Youri Latortue, « a déclaré que Youri Latortue a actuellement 
				quatre mises en accusation scellées de la DEA qui pèsent contre 
				lui, et que la DEA a fais parvenir une lettre pour l’extradition 
				de Youri Latortue au gouvernement intérimaire »,a 
                appris
				Fenton à partir de nombreuses interviews avec Deeb entre 
				avril et juin 2005. « Youri Latortue, pour sa part, a esquivé 
				les questions au sujet des accusations de la DEA, niant que Deeb 
				et lui, comme le prétend Deeb, étaient en contact régulier. ») Gérard Latortue a 
				téléphoné aux responsables à Washington et demandé que Youri 
				soit relâché. Les responsables aux É.-U. ont finalement dit 
				qu’ils ne détiendraient pas Youri, à condition que celui-ci 
				prenne le prochain avion pour Haïti, ce qu’il fit.  « Lorsque Gérard est 
				retourné en Haïti après sa visite au Canada, il s’est entretenu 
				avec Youri à propos de l’incident et sur sa vulnérabilité aux 
				poursuites », explique notre source. « Ils ont décidé que 
				la meilleure solution était que Youri devienne un élu, ce qui 
				lui conférerait l’immunité contre les poursuites. Voilà pourquoi 
				et comment la carrière politique de Youri a débuté, assuré par 
				Gérard, sous qui son élection était garantie. »” Ainsi, sous le 
				gouvernement de son « oncle », Youri a été élu pour un 
				mandat de six ans comme premier sénateur du département de 
				l’Artibonite lors de l’élection du 7 février 2006 qui a 
				également amené Préval à la Présidence pour la deuxième fois. Voilà à partir d’où les 
				câbles de l’ambassade des É.-U. reprennent le fil du récit. Un trafiquant de 
				drogue et kidnappeur au Palais ? Quand Youri Latortue 
				travaillait au Palais sous Aristide et René Préval, aucun des 
				deux présidents n’était à l’aise avec sa présence et ils 
				savaient que Youri Latortue trempait dans des activités 
				illégales. Mais ils craignaient de prendre des mesures contre 
				lui. « Parmi les observateurs politiques, c'est un article de 
				foi que Latortue était impliqué dans le trafic de drogues sous 
				Aristide et durant les premières administrations de René Préval 
				», a rapporté l’ambassadrice des É.-U., Janet Sanderson, 
				dans un câble du 27 juin 2007 à l’intention de Washington. « 
				Préval lui-même a rapporté que Latortue ‘trafiquait de la 
				drogue’ à partir de son bureau au Palais durant le mandat 
				d’Aristide. » Préval a fait les mêmes 
				affirmations au successeur de Sanderson, l’actuel ambassadeur 
				Kenneth Merten, qui a rapporté dans un câble secret du 6 octobre 
				2009 que le président haïtien avait « également fait part de 
				ses préoccupations concernant le manque d’intégrité du président 
				de la Commission du Sénat sur la sécurité et la justice, le 
				sénateur Youri Latortue, mentionnant les liens qu’il avait avec 
				le trafic de drogue. Il a soutenu son point de vue en rappelant 
				le refus présumé du gouvernement des É.-U. de laisser entrer 
				Latortue aux États-Unis » en 1995 et 2004. L'ambassade des 
				États-Unis a traité Latortue avec méfiance lorsqu'il est 
				retourné en Haïti en 2004. Le premier conflit qu’ils ont eu avec 
				lui est survenu lorsque ce dernier a pris l’initiative de dire à 
				« certains des ex-soldats du Cap-Haïtien », qui avaient 
				participé à la « rébellion » de Guy Philippe, « qu’ils 
				seraient admis dans la PNH ».  « Cela a sonné 
				l’alerte pour nous et pour le reste de la communauté 
				internationale et a fait l’objet d’une réunion du Noyau
				le 12 mars », rapporte le prédécesseur de Sanderson, 
				l’ambassadeur James Foley, dans un 
                câble du 15 mars 2005. Les É.-U. et ses alliés ont été voir Gérard Latortue qui « a 
				assuré que tel n’était pas le cas ». Leur faisant plaisir en
				« admettant publiquement que la PNH ne constituait pas une 
				option automatique pour les anciens des FADH ». Deux mois plus tard, un 
				membre bien connu de la bourgeoisie haïtienne, l’homme 
				d'affaires Fritz Mevs, faisait part à l’ambassade des É.-U. que
				« des trafiquants de drogue colombiens » travaillaient 
				avec une « petite clique d’individus puissants et bien 
				introduits, dont Youri Latortue... pour créer une entreprise 
				criminelle qui se nourrit de l’instabilité et l’alimente », 
				écrit Foley dans un 
                câble du 27 mai 2005. Youri faisait partie 
				d’« une petite camarilla de trafiquants de drogue et 
				d’intrigants politiques qui contrôlent un réseau de policiers 
				corrompus et de gangs, responsables [...] de la perpétration de 
				kidnappings et de meurtres... » L’ambassade était 
				également préoccupée par le fait que Youri commençait à 
				s’aliéner certains membres de la coalition anti-Lavalas qui 
				avait chassé Aristide du pouvoir, surtout les étudiants. Ils 
				commençaient à ne plus faire confiance au gouvernement 
				intérimaire d’Haïti, tel que l’on nommait le régime de facto 
				de Latortue, à cause des « rumeurs qui couraient à l’effet 
				que le gouvernement intérimaire d’Haïti (notamment Youri 
				Latortue) créait une ‘cellule de renseignements’ au sein du 
				mouvement étudiant à des fins politiques », écrit le chargé 
				d’Affaires intérimaire, Douglas M. Griffiths, dans un 
                câble du 6 
				juillet 2005. Washington surveillait 
				de près l’émergence d’Artibonite en Action (LAAA), le parti créé 
				par Youri Latortue en 2005 pour se faire élire au Sénat. « Ce 
				parti pourrait être financé par de l’argent de provenance 
				délictueuse et a déjà été impliqué dans des violences liées aux 
				gangs dans les quartiers défavorisés de Raboteau et Jubilée aux 
				Gonaïves », écrit une autre chargée d'Affaires intérimaire, 
				Erna Kerst, dans un câble du 
                30 novembre 2005. Alors qu’elle entrait en 
				fonction à l’ambassade au début de l’année 2006, Sanderson, a 
				également fait écho au fait que Youri Latortue est « 
				largement soupçonné d’être impliqué dans des activités illégales 
				», dans un 
                câble du 16 juin 2006. Moins de deux mois plus 
				tard, le 2 août, elle fait parvenir 
                un autre câble rapportant 
				qu’Edmond Mulet, le chef de la Mission des Nations unies pour la 
				stabilisation en Haïti (MINUSTAH), était préoccupé par le fait 
				que « le trafic de la drogue est devenu un problème de plus 
				en plus alarmant, qui est difficile à combattre, en partie à 
				cause des liens au trafic de la drogue au sein du gouvernement 
				haïtien », écrit Sanderson. « Dans cette communication, 
				il a mentionné le président du Sénat, Joseph Lambert, et le 
				président de la Commission du Sénat sur la sécurité, Youri 
				Latortue – décrivant ce dernier comme un ‘trafiquant de drogue’ 
				». Le trafiquant d’armes 
				Joel Deeb a également qualifié Latortue de « caïd trafiquant 
				de drogue, ‘ avec des liens étroits’ avec le chef paramilitaire 
				Guy Philippe », a rapporté Anthony Fenton dans son article 
				de ZNet. « Deeb a également dit que ‘tout le monde est 
				au courant’ de l’implication de Youri Latortue dans les 
				kidnappings », qui sévissaient en Haïti à l’époque. « Il est également de 
				notoriété publique que Youri Latortue et son assistant, Jean-Wener 
				Jacquitte,... font, au moins, office d’intermédiaires pour 
				l’argent provenant des kidnappings », a poursuivi Fenton. 
				« Ceci a été confirmé par des sources dans les cercles 
				diplomatiques, de même que par des sources à l’intérieur et à 
				l’extérieur du gouvernement de facto haïtien ». Dans 
                un câble du 
				septembre 2006, Sanderson a rapporté que Youri a été en mesure
				« d’embaucher ses‘petits amis’ pour gérer les opérations de 
				la douane aux Gonaïves » et, dans 
                un câble de novembre 2006, 
				que le juge des Gonaïves, Napela Saintil, qui avait présidé au 
				procès emblématique du massacre de Raboteau en 2000 (auquel 
				Youri Latortue « a refusé de témoigner »), considérait 
				Latortue comme son « ennemi juré » et a « accusé
				un agent de sécurité de Latortue, Léon Leblanc, d’avoir tenté 
				de l’assassiner en mars 2004 ». L’un des câbles les plus 
				édifiants de Sanderson est sans nul doute 
                celui daté du 20 
				novembre 2006. Il tire sa source d’une réunion du 9 novembre 
				qu’a eue l’un des proches associés de Youri (dont le nom a été 
				retiré de ce rapport et du câble affiché sur le site de 
				WikiLeaks pour sa protection) avec des responsables politiques 
				de l’ambassade. Le collègue « a fait part aux responsables 
				politiques de ses préoccupations concernant les activités 
				illégales ou peu recommandables de Latortue dans la ville 
				portuaire des Gonaïves et d’autres secteurs de l’Artibonite », 
				a écrit Sanderson. « Les liens de famille de Latortue et sa 
				proche association avec les gangs armés et des trafiquants de 
				drogue lui permettent de manipuler la région ». Un politicien 
				ambitieux « La famille Latortue 
				étend partout ses tentacules dans la politique haïtienne », 
				a confié l’homme à l’ambassade en Haïti. « La sœur de Youri à 
				déjà été mairesse des Gonaïves, et l'ancien délégué de la région 
				était également l’un de se cousins. L’administration a rempli 
				les bureaux locaux et municipaux d’Haïti par décret présidentiel 
				durant le gouvernement intérimaire. Le sénateur Latortue 
				exerçait une influence sur ces nominations par l’entremise de 
				ses relations avec le Premier ministre du gouvernement 
				intérimaire, Gérard Latortue, et a réussi à placer des membres 
				de son parti dans la plupart des postes à travers l’Artibonite. 
				Le sénateur s’est servi de ces gens pour consolider son pouvoir 
				et son influence dans la région jusqu’à ce que le nouveau 
				délégué de l’Artibonite nomme de nouveaux responsables locaux et 
				régionaux qui n’étaient pas inféodés au sénateur Latortue ». Le collègue a comparé 
				« l’autorité du sénateur Latortue dans la ville portuaire des 
				Gonaïves à celle d’un parrain de la mafia », poursuit le 
				câble. « Il a affirmé que le port quelque peu léthargique et 
				la drogue et les autres trafics qui y ont cours sont totalement 
				sous le contrôle du sénateur. Le port des Gonaïves est largement 
				sous le contrôle du gang de l’Armée cannibale, qui fait face à 
				la concurrence persistante des deux autres gangs, Des Cahos and 
				Jubile Blan.  Le sénateur Latortue exerce une influence sur les 
				trois groupes et est ainsi en mesure de garder la main mise sur 
				le port. Parmi les autres entreprises de Latortue aux Gonaïves 
				on compte une boîte de nuit et une salle de cinéma, toutes les 
				deux d’une légitimité douteuse »  Sanderson a également 
				remarqué qu’« une organisation populaire souvent 
				perturbatrice de Saint-Marc du nom de ‘Bale Wouze’ a récemment 
				accusé le sénateur d’avoir distribué des armes dans le but de 
				déstabiliser le gouvernement ». Le collègue de  Latortue 
				« a téléphoné à l’ambassade le 16  novembre pour appuyer les 
				accusations de Bale Wouze, et également pour rapporter un autre 
				incident au cours duquel le sénateur Latortue et ses amis 
				volaient des poteaux et des boîtes de service téléphoniques de 
				Port-au-Prince pour être utilisés aux Gonaïves ».Le collègue a décrit comment Youri était un politicien rusé. 
				« Après les immenses inondations dans l’Artibonite en septembre
				[2006], le gouvernement central avait donné des 
				approvisionnements d'urgence à être distribués aux victimes des 
				inondations », écrit Sanderson, mais le « sénateur 
				Latortue a intercepté les provisions et les a temporairement 
				cachées quelque part aux Gonaïves, avant de les apporter aux 
				victimes comme s’il était personnellement responsable de cette 
				distribution de vivres ». A suivre
                la semaine 
                prochaine |