Apprendre la leçon des colonisés !
Par Hervé Jean Michel

 Les slogans devant le palais national étaient très clairs et distincts. Vive Restitution- Réparation ! Vive le retour de Jean Bertrand Aristide en Haiti !

Le président de la République française est arrivé en Haiti le 17 février 2010. Immédiatement débarqué de son avion à l’aéroport Toussaint Louverture, il fût reçu par son homologue haïtien, René Préval. La première initiative fût une ronde en hélicoptère pour mieux observer et évaluer les régions les plus durement frappées par le séisme du 12 janvier 2010. L’état des lieux, une fois fait, les deux chefs d’Etat s’étaient rendus au palais national, gravement endommagé par le séisme du 12 janvier, pour une conférence de presse en commun dans les jardins transformés en la circonstance pour accueillir la cérémonie. Le chef de l’Etat français a évoqué « les intenses liens qui unissaient la France et Haiti ». Il a utilisé de douces paroles en lieu et place de l’expression évocatrice de la sanglante et périlleuse histoire qui, depuis le traité de Ryswick 1697, tissait les rapports entre les Nègres déracinés d’Afrique et la France colonisatrice et esclavagiste.

« Entre nos deux pays les liens sont intenses, familiaux, mais il y a eu comme dans toutes les familles des moments très douloureux que nous regardons en face sans les contester ». Sarkozy veut-il faire croire que cette histoire sacrifi cielle, séculaire, pourrait s’évanouir dans les ombres brumeuses des discours offi ciels, de la misère et de l’oubli par des Nègres victimes expiatoires de relations internationales asymétriques et inhumaines ? Si le discours du président français s’était fait amical et même chaleureux, c’était tout simplement pour endormir les légitimes revendications d’un peuple meurtri sous la férule impérialiste. Comme si Sarkozy s’en tenait véritablement à une autonomie d’Haiti « La communauté internationale peut vous aider, mais le projet est le vôtre », a-t-il dit pour essayer de dégager un certain désintéressement de la France dans cette bataille inter impérialistes pour renforcer la tutelle sur ce pays victime de toutes les expériences néfastes des seigneurs de ce monde.

Bien sûr, le président Sarkozy, sans expliquer clairement la culpabilité de son pays dans le grand drame haïtien, ses responsabilités passées et présentes, s’est fait le conseiller avisé qui, à la faveur de ce grand naufrage, dit reconnaître la nécessité de la décentralisation dans une Haiti dans laquelle les ressources doivent être profi tables à tous. Voilà que le président parle de développement endogène dans un pays où l’impérialisme impose ses lois du talion, ses lois qui écrasent les plus faibles et renforcent les plus puissants. Offrant une aide de 326 millions d’euros, peut-être Sarkozy croit-il répondre à la fameuse revendication historique, à savoir : Restitution-Réparation. Restitution des 150 millions de francs arrachés d’Haiti pour « réparer les torts faits aux colons par l’indépendance » et la Réparation pour les deux siècles au cours desquels la France métropolitaine a jeté des milliers de Nègres dans l’enfer colonial de Saint-Domingue, où ils ont travaillé comme des bêtes de somme, pour la gloire et l’enrichissement de ladite métropole.

Est-ce vrai que la France, hier colonialiste, aujourd’hui néo-colonialiste, voudrait bien qu’un pays de Nègres, Haiti, brise les structures fermées et aliénantes de l’assistanat pour construire une économie digne de l’homme et de tout homme ? La prétendue aide de 326 millions d’Euros et des possibilités pour que des cadres de l’administration publique haïtienne aillent se perfectionner à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), les promesses faites d’accueillir 700 étudiants dans des universités antillaises et autres, ne peuvent compenser les torts faits par la France à Haiti avant, pendant et après l’indépendance.

Peut-on mesurer l’ampleur du mal depuis 1697 à 2010 ? « De cette catastrophe il faut que vous fassiez un renouveau et que vous tourniez le dos aux erreurs du passé ». Sarkozy sait parfaitement qu’après la catastrophe de la traite négrière et du colonialisme, l’indépendance construite dans la sueur, la souffrance, le sang et la mort a été complètement confi squée au profi t des puissants seigneurs. Alors, veut-il faire croire que l’impérialisme est devenu brusquement humaniste et qu’il va permettre à Haiti de s’envoler vers des voies où la vie est possible, où il est possible de construire la vie ? La terrible phrase prononcée par le chef de l’Etat français, démontre très clairement que Haiti n’était jamais respectée et ne sera jamais respectée par les décideurs du monde. « La France ne veut pas de tutelle internationale sur Haiti ». Sarkozy n’a pas été informé, parait-il, par son prédécesseur et compatriote, Jacques Chirac, sur la mise sous tutelle d’Haiti, qui a valu le coup d’Etat/kidnapping du 29 février 2004 et la descente aux enfers d’Haiti !

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Haïti Liberté  Vol. 3 No. 32 • Du 24 février au 2 mars 2010