Apprendre la leçon des colonisés !
Par Hervé Jean Michel

Bien sûr, Sarkozy ignore si Haiti est sous tutelle, si elle a été mise sous tutelle par les Etats-Unis, la France et le Canada. En foi de quoi, il rejette toute tutelle sur Haiti! Le président haïtien a applaudi des deux mains sans chercher à comprendre les raisons du blocage du développement du pays, évoquant des liens avec la France. Ça, il n’a nul besoin de le savoir. D’ailleurs, fort du soutien de l’impérialisme et des secteurs dominants en Haiti, il est heureux d’appliquer le néo-libéralisme comme système économique pour renforcer le privilège des riches, tout en poursuivant le processus d’appauvrissement des pauvres. Même les impérialistes arrivent, hypocritement, à reconnaître les méfaits du néo-libéralisme, mais jamais le président élu par le peuple haïtien n’a reconnu de tels méfaits.
Mais, sur ce tableau politique, un emmerdeur. Cet emmerdeur tant détesté et honni : le peuple revendicatif haïtien. Sarkozy l’a vu à l’oeuvre déployant ses revendications : Restitution-Réparation, retour du président Aristide dans son pays natal. Alors que le secret était gardé sur l’heure et le lieu d’accueil du président français, le gouvernement, précisément, le président René Préval croyait qu’il allait tirer profi t en utilisant ses propres activistes politiques qui devaient crier vive Préval ! Abas les ONGs ! Entre-temps, des militants lavalassiens ont pris en main l’initiative de lancer une manifestation anti-Préval pour la Restitution des plus de 21 milliards de dollars par la France et pour le retour du président Aristide, jeté dans l’enfer du bannissement en terre étrangère.

En effet, des centaines de manifestants ont investi les alentours du Palais national, pancartes et photos en mains, lançant leurs slogans « Restitution-Réparation, Retour du président Aristide dans son pays ». Les slogans devant le Palais national étaient très clairs et distincts. Vive Restitution-Réparation ! Vive le retour de Jean Bertrand Aristide en Haiti ! 6 ans après le coup d’Etat qui a renversé le gouvernement légitime et progressiste, le président Aristide était condamné manu militari à l’exil. Les GNBistes d’ici et d’ailleurs y voyaient l’occasion de bannir défi nitivement les masses par l’exclusion socio-économique et de s’accaparer défi nitivement du pouvoir. 6 ans après, Haiti est exsangue, malade, alitée, moribonde. Une bande de vautours rôdent autour de cette proie si facile avec des discours, des promesses, des soupirs, des lamentations semblables à la consolation et au support véritable apportés par de fi dèles amis, véritablement éprouvés.
Ne voilà-t-il pas que Sarkozy « critique » ceux qui ont contribué à la paupérisation de la majorité de ce peuple misérable ! La critique de Sarkozy est-elle aussi une autocritique, est-elle une reconnaissance que sa propre patrie, la France, a grandement contribué à cette mort lente d’Haiti. N’est-ce pas que ce même Sarkozy a reconnu que la colonisation était une bonne chose en tant que véhicule civilisateur. Donc les Nègres devaient nécessairement passer par la férule de la colonisation pour les adoucir, les extraire de la barbarie et en faire des humains. Mi-homme, mi-bête, voilà comment le président français voit le Nègre, à l’instar des vieux racistes tels : Gobineau, Adolph Hitler, Mussolini etc.

Tandis que le Parlement français reconnaît, en l’année 2002, que l’esclavage est un crime contre l’humanité, rien n’a été fait par l’Etat français pour réparer les torts, les affronts et essayer de cicatriser les terribles blessures infl igées à cette race d’hommes pendant deux siècles d’une criminelle histoire. Les miettes offertes par la France en ces temps de grands malheurs ne sont rien à côté de la Restitution-Réparation, devenue la revendication fondamentale, salvatrice du peuple haïtien. Quand le président Aristide et les experts qui ont mesuré la somme cumulée que la France doit payer, en guise de restitution à Haiti, nous étions en l’année 2003, si les calculs devraient êtres refaits, les plus de 21 milliards de dollars cumuleraient en une somme plus importante. L’important pour le peuple est de déduire de cette somme, ce que la France va offrir en termes de numéraires et de services pour mieux évaluer la Restitution- Réparation. Le temps est venu pour Haiti de calculer la valeur de la réparation en numéraires. Ces Nègres arrachés d’Afrique ont beaucoup souffert depuis leur introduction en Amérique, particulièrement à Saint- Domingue. Les colonialistes et les esclavagistes d’aujourd’hui doivent payer le prix de la souffrance, de l’humiliation, du bannissement, de la misère et de la mort. La France d’aujourd’hui doit savoir que dans son incommensurable misère, les Haïtiens désirent ardemment lutter pour la Réparation des torts historiques.

Le message du peuple doit se faire de plus en plus revendicatif, en agissant une volonté collective de lutte. Le peuple haïtien ne doit pas suivre la voie de ceux qui cautionnent les grands maux sociaux et qui refusent d’ouvrir les sombres pages de l’histoire pour faire luire et éclater les vérités qui y sommeillent. Aujourd’hui est venu le temps pour les colonisateurs d’apprendre la leçon des colonisés !

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Haïti Liberté  Vol. 3 No. 32 • Du 24 février au 2 mars 2010